Grâce à la lecture d’un blog littéraire vraiment génial : My pretty books, j’ai découvert une trilogie écrite par une auteure que j’affectionne de longue date.
C’est simple, j’ai dévoré les trois livres en une semaine, cette série m’a fait arriver deux heures avant dans une salle d’attente pour lire tranquille mon livre, et j’ai fait le tour des librairies du quartier tout une après-midi car je voulais absolument lire la fin de cette trilogie attendrissante.
Sauveur et fils, saisons 1, 2 et 3, Marie Aude Murail
Collection Medium, Ecole des loisirs
de 12 à 16 ans
300 pages- 17€
En moins d’un an, Marie-Aude Murail nous régale avec trois épisodes de Sauveur et fils où patients adolescents et leurs parents se succèdent au cabinet à domicile du psychologue Sauveur Saint-Yves à Orléans. Une fresque de portraits où s’entrechoquent fatalement vie privée, confidentialité thérapeutique et questions de société.
Marie-Aude Murail est une auteure emblématique de la littérature jeunesse depuis 30 ans. Elle aime écrire des histoires de fratries comme Oh boy ! ou Simple, des romans qui s’adressent aussi bien aux adolescents qu’aux adultes.
Chacun de ses livres reçoit régulièrement des prix de littérature. Sauveur et fils, saison 1 n’échappe pas à la règle car il a reçu le prix Pépite décerné en 2016 par France Télévisions au dernier salon du livre jeunesse de Montreuil.
Marie-Aude Murail a mis un peu d’elle-même dans cette fiction qui se déroule à Orléans où elle vit et elle s’est rappelée de ses souvenirs d’une année passée aux Antilles dans sa jeunesse, pour construire le personnage de Sauveur.
Ce grand et bel homme de la Martinique suscite la curiosité des mamans à la sortie de l’école (l’une d’elles, Louise, va même tomber amoureuse de lui) quand il vient chercher son fils Lazare, 8 ans. Sauveur Saint-Yves est veuf. Lazare est un petit garçon métis dans une ville française de taille moyenne : Orléans.
Le multiculturalisme est présent à l’école (la saison 2 voit l’arrivée d’une petite fille chrétienne d’Irak) ou au cabinet de Sauveur mais on note un décalage sociétal avec la capitale Paris : la parole raciste des parents assumée par réflexe xénophobe, la honte et la résignation des parents à envoyer leur enfant consulter…
« – Il m’a demandé si je voulais garder son petit et, comme j’ai rien contre les Noirs, j’ai dit oui, ajouta Nicole, pensant édifier Louise avec ses bons sentiments. Je sais pas si c’est dans votre goût, les mélanges de race, mais je trouve que le petit Lazare est pas vilain de figure. Quand ils ne sont pas TROP noirs, ça va.
Louise écoutait, tétanisée par cet étalage de racisme et de bonne conscience.
– Ce qui est dommage, c’est ce nom, poursuivit la nounou.
– Ce nom ?
– Mais « Lazare » ! Faut dire aussi que le père s’appelle Sauveur. Mon mari, il avait connu un nègre qui s’appelait Fêtnat parce qu’il était né le jour de la fête nationale ! Enfin, ça me gêne pas, moi. Ils font ce qu’ils veulent. Du moment qu’ils restent chez eux. Mais là, à Orléans, il y en a trop. On n’est plus chez nous. Je dis pas ça pour le docteur Sauveur, il paye ce qu’il doit, il est propre, y a pas de souci. Des Noirs, y en a des biens. »
Un extrait de Sauveur et fils, tome 1
Le racisme, la filiation, la famille recomposée et le divorce, l’identité, le cyber-harcèlement ou les questionnements sur le genre à la puberté sont autant de thématiques abordées par Marie-Aude Murail.
Les trois romans suivent la même structure : chaque chapitre décrit une séance thérapeutique de Sauveur avec un patient. On suit l’évolution de la thérapie avec ses avancées et ses échecs. Notre humanité nous pousse à nous réjouir pour l’un des personnages qui se trouve libéré d’un secret de famille ou quand l’un des adolescents retrouve son père qu’il n’ avait jamais rencontré à cause de l’emprise de sa mère toxique.
A cette fresque de rencontres s’entrechoque l’histoire personnelle de Sauveur Saint Yves et son fils. La première saison parle du tiraillement identitaire dû à la couleur de peau et au métissage. Sauveur adopte un premier hamster à son fils pour qu’il se sente moins seul le soir quand il se laisse submerger par la fréquence de ses consultations.
Lazare le nomme Bounty (noir à l’extérieur, blanc à l’intérieur) comme le surnom difficile à porter pour Sauveur quand il était enfant en Martinique. Cela incitera le père à révéler à son fils les circonstances dramatiques qu’ils ont vécu quand Lazare était tout bébé.
La seconde saison s’attache à montrer les défis de chacun pour s’intégrer dans une famille recomposée. Deux sœurs Margaux et Blandine sont des personnages récurrents des trois saisons. L’une se scarifie, l’autre est hyperactive car elle a peur pour sa sœur aînée. Leur histoire est particulièrement touchante car Marie-Aude Murail a su retranscrire la douleur d’enfants de divorcés face à leurs parents plus occupés à se renvoyer leur rancœur à la figure que de montrer de l’amour à leurs filles adolescentes.
La troisième saison développe le thème de la relation au père, une thématique importante et peu développée dans les deux premières saisons : la plupart des adolescents qui viennent en thérapie sont accompagnés par leurs mamans qui cherchent des solutions pour que leurs enfants aillent mieux. Le père est soit réfractaire à l’idée d’une thérapie ou totalement absent de l’histoire.