Quatre sœurs : Enid, Hortense, Bettina et Geneviève
Malika Ferdjoukh et Cati Baur
Ecole des Loisirs et Rue de Sèvres
1ere parution en 2003
Je l’ai repéré sur un présentoir du rayon jeunesse de la bibliothèque Arthur Rimbaud (je vous la recommande pour sa sélection nouveautés BD et romans) et j’ai su que j’allais avoir un coup de cœur pour ce roman graphique.
Son titre m’ a plu : Quatre sœurs car j’affectionne les histoires de fratries. Ensuite sa couverture : on y voit Enid, une petite fille de neuf ans, accolée à un arbre aux couleurs de l’automne. En fond, on voit sa maison la Vill’hervé, une villa en bord de mer qui se trouve au bout du monde, impasse de l’Atlantique.
Bingo, c’est le combo parfait du roman graphique pour moi : une histoire avec des portraits psychologiques finement amenés + du beau dessin à l’aquarelle : des personnages bien dessinés, des univers réalistes attachants…
Cela me rappelle beaucoup l’univers de Camille Jourdy et son travail aussi à l’aquarelle pour donner vie à Rosalie Blum.
« Enid doit faire dix-sept pas de l’abribus jusqu’à l’impasse de l’Atlantique qui mène à sa maison, la Vill’Hervé. Un de moins que l’été dernier. La preuve que ses jambes allongent, donc qu’elle a grandi. N’empêche qu’elle est toujours la plus petite des cinq sœurs Verdelaine. »
Le résumé :
C’est l’histoire d’une fratrie de cinq filles : Charlie, 23 ans, Geneviève, 15 ans, Bettina, 13 ans, Hortense, 11 ans et Enid, 9 ans. Ce roman en quatre épisodes suit les quatre saisons : il débute avec l’automne et se termine avec l’été, la saison des émois amoureux de ces adolescentes.
Après la mort accidentelle de leurs parents, elles se serrent les coudes dans leur grande maison, lieu de vie de leurs joies toutes simples, leurs peines mais surtout leurs chicaneries, celles que vivent toutes les sœurs du monde autour d’un bon bol de chocolat chaud…
Mon avis :
Cette lecture a été un vrai coup de cœur pour moi : le thème de la fratrie est universel (la référence aux Quatre sœurs du Docteur March de Louisa May Alcott est évidente) et j’aime les portraits psychologiques des personnages bien écrits (c’était le cas des Stagiaires, ma dernière lecture en date).
J’ai lu le premier tome Enid en BD pour me créer un imaginaire : la présentation des personnages en médaillon m’a été vraiment très utile pour comprendre les personnalités bien marquées de chacune des sœurs. Mais ensuite, je me suis dépêchée de trouver les trois romans pour les lire dans la foulée. Impossible d’attendre les prochains romans graphiques.
J’ai vraiment été happée par l’histoire d’amour de Bettina : la profondeur des sentiments et des émotions exprimés m’a marquée. Son personnage est présenté dans le premier tome comme une personne totalement égocentrée, acide et hautaine avec sa flanquée de copines. Elle va se révéler sensible et touchante par la suite.
L’autre personnage qui m’a émue est Hortense, la fille timide de la famille. Elle se raconte dans son journal intime : ses rêves de comédie, son amitié poignante avec Muguette, une petite fille atteinte de leucémie. Elles s’échangent des expressions complètement désuètes et étranges : » tu es complètement Île et Vilaine… ».
C’est un récit contemporain qui raconte la routine d’une famille ordinaire : le ramassage scolaire pour les plus jeunes, la livraison des courses de Nanouk surgelés par le jeune Merlin qui va faire chavirer le cœur de Bettina, leurs boums…
Elles sont orphelines et font face à des défis financiers majeurs. Mais ça ne pleure pas dans les chaumières, il n’ y a pas de pathos comme dans un roman de Dickens : elles ne collectionnent pas les malheurs et sont entourées de toute une galerie de personnages secondaires bienveillants.
Le plus important d’entre eux est sans conteste Basile, l’amoureux de Charlie, l’aînée devenue par la force des choses, la cheffe de famille. Leur histoire d’amour est le fil conducteur de ces quatre romans. On est forcément touchés par cette jeune femme qui sacrifie ses rêves par amour pour ses sœurs.
Ma note : 4/5 sardines
L’Ecole des loisirs est mon éditeur de littérature favori car il ne prend pas ses lecteurs pour des imbéciles en leur proposant des textes creux et superficiels, à effet de mode.
J’avais déja lu un très bon roman de Malika Ferdjoukh : Taille 42, l’histoire d’une famille juive de chausseurs qui a dû fuir Paris pour échapper à la mort pendant l’Occupation. Et puis je trouve que Quatre sœurs a la même profondeur psychologique que les romans de Marie-Aude Murail que j’affectionne tant.
J’ai aussi beaucoup aimé le trait de Cati Baur qui sait dessiner les femmes avec beaucoup de grâce et d’élégance : le détail d’une coiffure, d’une démarche… Son roman graphique Vacance ( l’histoire d’une mère de famille qui plaque toute sa vie sur une aire d’autoroute pour mener grand train sur la Riviera) .
Je pense sérieusement à me constituer une belle Pile à Lire spéciale romans graphiques parce que c’est mon plaisir, encore plus qu’un roman. C’est beaucoup plus qu’un simple album de BD ou un roman.
Dommage que leur prix d’achat soit assez élevé et heureusement que les bibliothécaires de la Ville de Paris font un vrai travail de sélection et de prescription pour qu’on puisse les trouver facilement dans les bacs.
Voici un petit aperçu de mes romans graphiques favoris. Et vous quels sont les vôtres?.