# Paye ton auteur : un doux vent de révolte souffle sur Livre Paris 2018

L’orage grondait cette semaine sur les réseaux sociaux à l’approche du salon du livre de Paris.

A l’initiative des booktubeurs et autres influenceurs institutionnels comme la charte des auteurs et illustrateurs jeunesse et la société des gens de lettres, il y a eu une vraie levée de boucliers suite à la décision de Livre Paris de ne pas rétribuer les auteurs qui interviennent dans des conférences ou des tables rondes.

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A Livre Paris, il y a un budget pour les plantes mais pas pour rémunérer les auteurs en conférences DR SANDRINE BONINI

Reed expositions usait d’un argument assez bancal : les conférences apportent de la visibilité médiatique aux auteurs, grâce à ses 150 000 visiteurs chaque année. Il n’est pas certain qu’un auteur va vendre une trentaine de livres à la fin de son intervention .

Les seuls qui y arrivent sont les grands noms de la littérature actuelle comme Pierre Lemaître, Katherine Pancol, Guillaume Musso … qui passent chez Laurent Ruquier et ONPC, dont les ventes décollent la nuit de l’émission sur Amazon… Mais eux, n’ont pas vraiment besoin des 150€ euros demandés par les auteurs pour les tables rondes.

L’auteur est presque le dernier à être payé sur la vente d’un livre : une grande partie va au diffuseur, à l’éditeur, au libraire, à l’Etat… S’il vend moins de 1000 livres (un cas très fréquent), il touchera 1,8 € pour un livre qui coûte 15€.

Alors, demander aux auteurs d’animer bénévolement des temps-forts avec leurs lecteurs est vraiment une forme de mépris pour leur talent et leur travail de création. Surtout que c’est eux qui font la plus-value du salon. C’est pour eux que l’on consent à payer un billet d’entrée hors de prix et à attendre des heures pour discuter avec l’auteur et avoir une dédicace d’un livre qui aura été acheté obligatoirement sur le salon.

Reed Expo n’installe que des cloisons et de la moquette (bien agressive pour les pieds quand on est exposant toute la durée du salon, ma dernière expérience m’a bien guérie). Toute leur programmation est basée sur cette relation de confiance et de considération pour les auteurs et éditeurs.

Ce hashtag #Paye ton auteur est révélateur d’un tournant pour toute l’économie du livre : ce sont les réseaux sociaux et les vidéos virales sur Facebook ou Instagram qui sont les porte- voix des revendications salariales d’une profession un peu résignée qui s’est longtemps fait marcher sur les pieds (ces pratiques ne datent pas d’hier). Elles ont été quelque peu encadrées par le SNE et le CNL mais Livre Paris est un salon privé, donc Reed Expositions n’a pas obligation de respecter les règles.

Certains auteurs s’en accommodaient car d’autres salons du livre et bibliothèques sont beaucoup plus respectueux de leur travail. Mais le métier d’auteur s’est  considérablement précarisé depuis et toute une génération d’auteurs est prise à la gorge. On ne leur rembourse pas leurs frais de déplacements alors si on ne les rétribue même pas…

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Cela me rappelle les personnages du roman de Samantha Bailly, Les stagiaires, édité par Milady.

La suite vient de paraître chez JC Lattes : Indéterminées.

 

 

Samantha Bailly, aussi présidente de la charte des auteurs et illustrateurs jeunesse? a été une figure de proue de ce mouvement avec les booktubeuses Bulle Dop, Nine Gorman, Lily Bouquine, Moody et les médias numériques comme Actua litté…

Les booktubeurs sont beaucoup plus revendicatifs car leur visibilité médiatique, ils l’ont acquise par leurs efforts (de longues séances de montage pour perfectionner leurs vidéos, investir les réseaux sociaux régulièrement) et Youtube les rémunère. Même les bibliothèques municipales avec un budget moindre que Livre Paris rémunèrent leurs intervenants.

Les réseaux sociaux ont eu cet atout de fédérer toute une profession qui subissait ce système de bénévolat dans son coin, les éditeurs trouvaient un arrangement avec Livre Paris qui n’était pas forcément le meilleur pour l’auteur frustré.  Les réseaux sociaux ont révélé tout l’envers du décor à une communauté de lecteurs qui chérit ses auteurs et les défend.

Comme le remarquait Lili bouquine sur Instagram, la visibilité de Livre Paris ne peut plus être un mode de rémunération. Il y a une vraie crise de la fréquentation des visiteurs sur ce salon : des prix d’entrée excessifs, des stands d’éditeurs qui se réduisent  comme peau de chagrin, un grand groupe d’édition comme Hachette qui boycotte le salon depuis des années, des prix exorbitants pour la visibilité des éditeurs…

Ne pas rétribuer les auteurs invités dans les tables rondes a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase : la menace légitime de boycott des auteurs a porté ses fruits. Espérons qu’elle soit suivie d’une véritable remise en question de toute une industrie du livre.

Les auteurs et illustrateurs de livres jeunesse, les dessinateurs de BD ne sont pas rétribués pour les longues heures de dédicaces où ils rencontrent leur public. C’est la partie sympathique de leur travail… qui reste un travail.

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Un grand souvenir de ma carrière de libraire : la dédicace de Zep, l’auteur  de Titeuf qui fête ses 25 ans.

 

 

 

 

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