Ce gros pavé de 600 pages, je l’ai lu il y a quelques années dans un train, une semaine où j’étais malade et il avait été un meilleur compagnon de convalescence que les antibiotiques. C’est ma voisine qui me l’avait prêté après que je sois allée voir l’adaptation cinématographique avec ma mère. Cela avait été un bon moment de cinéma, un feel good movie comme on les aime.
Cette année, on honore la mémoire de Martin Luther King, tombé sous les balles racistes, il y a cinquante ans à la terrasse d’un hôtel à Memphis, Tennessee, le 4 avril 1968. Ma mère nous a parlé de lui quand nous étions enfants, mon frère et moi, et les moniteurs des colonies de vacances protestantes que j’ai fréquenté adolescente, nous ont sensibilisé à son attachement à la non-violence tirée des Évangiles à l’image de Jésus, mais aussi de Gandhi.
Des années plus tard, l’Histoire m’a mis une belle claque dans la salle de cinéma où j’étais allée voir Selma en 2015, le magnifique film d’ Ava Duvernay sur le droit de vote des Noirs acquis après une bataille très éprouvante pour les droits civiques à Selma, Alabama en 1965. C’est le billet de blog qui m’a le plus plu d’écrire.
Il y a peu, j’ai lu Génération Rosa Parks, un recueil de biographies de vingt militantes non-violentes, des anonymes qu’elles soient noires ou blanches, diplômées d’université, cueilleuses de coton dans les plantations du Sud ou couturières comme Rosa Parks…
Elles fréquentaient des enfants blancs pendant leur enfance ou avaient de bonnes relations avec des Blancs à l’université mais les lois Jim Crow leur interdisaient de se mêler à leurs compatriotes. Voila le vrai sens de la ségrégation raciale : empêcher toute relation amicale, professionnelle ou sentimentale d’éclore entre Blancs et Noirs.
La couleur des sentiments
Kathryn Stockett
Editions Jacqueline Chambon, 2010
528 pages
23,80 €
Le résumé :
Il s’agit d’un récit à trois voix : celles de Minny et Aibileen, deux bonnes noires qui s’entraident face à la ségrégation raciale qu’elles subissent depuis leur enfance à Jackson Mississippi.
Elles vont s’associer malgré elles à la troisième narratrice Eugénia dite Skeeter, une jeune blanche, héritière d’une plantation de coton. Elle dénote parmi ses amies de lycée de la bonne société Elizabeth et Hilly, Eugénia aspire à être journaliste et elle a mal vécu le départ de sa bonne Constantine qui était un vrai repère affectif pour elle.
L’écriture d’un livre sera l’occasion pour elle de rendre hommage à toutes ces femmes et de prendre son envol : son éditrice juive à New York lui sert de mentor et la convainc avec fermeté d’écrire sur un sujet d’actualité qui intéresse vraiment les Etats-Unis au début des années 1960 : les relations humaines entre les bonnes noires et les employées blanches dans les familles des Etats du Sud.
Pourquoi c’est mon crush lecture ?
Un crush, c’est un vrai coup de cœur passionné !
Ce roman est mon crush lecture parce que le thème de l’histoire c’est l’amour que l’on porte aux autres malgré sa différence. Le titre en français : La couleur des sentiments est vraiment bien trouvé. Le livre qu’écrivent ensemble Skeeter et la douzaine de bonnes reflète autant les mauvais cotés que les bontés déployées par les Blanches qui les emploient.
On les humilie, on leur rappelle leur condition servile, on peut même les renvoyer pour un simple regard de travers et les faire bousculer dans une profonde précarité économique et sociale…. Pourtant, les enfants dont elles se sont occupés se rappellent plus facilement de leur cuisine et de leurs gestes maternels que ceux de leurs propres mères. Johnny Foote, le seul personnage masculin un peu important, retrouve ses souvenirs d’enfance avec la cuisine de Minny.
Ces bourgeoises un peu péquenots de la bonne société de Jackson sont aussi malades d’amour. Elizabeth, la patronne d’ Abileen ne sait pas comment montrer de l’amour à leur petite fille. Elle la rabroue ou la bat dès qu’elle se tache ou dit quelque chose qui n’est pas convenable comme l’a fait sa propre mère avec elle.
J’ai eu ma petite larme à l’ œil quand je lisais les passages qui montrent la complicité entre Abileen et la petite fille boulotte Mae Mobley surtout quand Abileen lui raconte ses histoires secrètes de Martien Luther King…
L’humanité dont fait preuve Minny avec sa patronne Célia qui enchaîne fausses couches sur fausses couches et qui subit le mépris social d’ Hilly et ses amies m’a aussi beaucoup marquée. Le roman creuse beaucoup plus le portrait psychologique de Célia Foote que le film qui la montre seulement comme une Marilyn écervelée, magnifiquement interprétée par Jessica Chastain.
On sait déjà où nous irons pour nos dix ans de mariage : les Etats-Unis et surement les Etats du Sud tellement authentiques dans leurs paysages, l’architecture préservée de leurs villes comme la Nouvelle Orléans, leurs modes de vie assez différents du Nord de ce pays-continent…
Kathryn Stockett a écrit une fiction mais ce roman est profondément autobiographique. Skeeter, c’est elle même. A la fin du roman, elle raconte son histoire personnelle : l’amour quasi-maternel que lui portait sa bonne Demetrie. Elle voue un amour et une fierté assez conflictuelle au Mississippi pour ses aspects un peu rustres mais elle le défend avec force face aux New-Yorkais qu’elle côtoie dans les dîners mondains.
Rappelons que le Mississippi a vu éclore le talent de grands écrivains comme William Faulkner, Mark Twain… Dans le domaine de la chanson, citons Jackson de Johnny Cash, un grand musicien country que j’ai découvert à travers le génial biopic Walk the line ou encore la magnifique chanson Georgia on my mind chantée par l’enfant du pays Ray Charles…
Si jamais l’odieux passager du vol de Ryanair qui insulte avec hargne et haine une vieille dame noire me lit, lis La force d’aimer de Martin Luther King mon vieux, ça ne te fera pas de mal.
Grâce à ce film, j’ai découvert Octavia Spencer, mon actrice américaine favorite que j’ai retrouvé avec grand plaisir dans le film La cabane, adaptation du roman chrétien La cabane, le chemin du pardon. Ce sera mon prochain crush !