Cette semaine, une jolie page de ma vie s’est refermée avec l’enterrement de mon arrière-grande tante Julienne. Elle était née en 1920, elle allait avoir cent ans en mars prochain. Elle est enterrée dans la petite ville où elle est née : Saint Pol sur Ternoise, Pas-de-Calais, 5000 habitants.
Nous avions plus de 70 ans d’écart et pourtant j’aimais l’appeler car elle savait mieux que personne combler le fossé générationnel. Elle aimait partager, transmettre ses goûts pour le cinéma populaire : les films de Dany Boon, les émissions de Laurent Ruquier…
Avec ma grand-mère Annette, elles m’ont donné l’amour du Pas-de-Calais à grands coups de gaufres Rita, de tartes au papin, de souvenirs des années 1950 partagés sur un coin de la table de son moulin ou de sa belle maison de la Creuse qui donnait sur une rivière.
Mon arrière-tante a vécu des moments très difficiles dans sa jeunesse. Elle a dû fuir en famille, sa ville lourdement bombardée en 1940. Elle était enceinte de son premier enfant sur les routes de l’exode.
Le roman Suite française d’Irène Némirovsky me fait beaucoup penser à l’expérience traumatisante vécue par ma famille. Ma grand-née née en 1937 m’a raconté qu’ils ont connu pendant de longs mois la faim, la peur de mourir, l’angoisse d’avoir été pillé ou que quelqu’un ait été tué chez eux…
Ma grand-mère avait pris l’habitude de sauter dans un fossé avec son vélo quand un avion préparait un bombardement. Des anecdotes comme ça, ça vous marque.
En 1946, Julienne perd brutalement son mari, qui se noie dans la Manche en voulant venir en aide à la baby-sitter de la famille. Veuve avec cinq enfants petits, elle rencontre son second mari, un entrepreneur sicilien embauché récemment dans l’entreprise de son père. Cet homme travailleur va faire fortune en reconstruisant une grande partie de la ville considérablement bombardée : la gare, l’église Saint-Paul mais aussi de très nombreuses maisons.

L’église Saint Paul à St Pol sur Ternoise. Droits réservés La voix du Nord
L’enterrement a eu lieu dans cette église moderne, reconstruite par l’entreprise de son mari et le symbole est très fort, je trouve. Je me suis sentie vraiment chez moi dans cette église en briques magistrale, avec ses vitraux modernes. Il y avait des prospectus pour le parcours Alpha, commun aux protestants et on sentait que cette communauté était animée par la foi plus que par la religion.
Je remercie sa famille proche qui m’a donné l’occasion de publiquement lui dire une dernière fois combien je l’aimais. Dans notre famille, c’est une femme qui a dirigé pendant plus de quatre-vingt ans la bonne tenue d’une famille nombreuse et même l’entreprise de son mari à un moment donné.
Elle a partagé avec moi ses souvenirs sans pathos, ni apitoiement. Elle m’a offert son affection à moi son arrière-petite nièce alors qu’elle avait une vingtaine de petits-enfants et autant d’arrières-petits enfants.
Elle a joué le rôle d’une grand-mère quand il n’y avait plus de grand-mère dans ma famille. Cela je ne l’oublierai jamais, chaque moment passé avec elle était constructif, c’était l’essence même de faire famille même si on est cousins au 3eme ou 4eme degré.
Ma Tante n’était pas une mamie gâteaux mais bien quelqu’un d’espiègle et gourmand qui aimait réunir sa famille autour d’un bon goûter. Elle aimait vraiment les chats, faire des bonnes gaufres pour les enfants. A Noël, mon père a réalisé sa fameuse recette de bûche turinoise dont voici la recette pour huit personnes.
Ingrédients : 125 gr de beurre, 125 gr de sucre, 250 gr de chocolat pâtissier noir fort en chocolat (64% de cacao), 1 sachet de sucre vanillé, 2 CS de rhum, 3 CS de café fort, une boîte de 500 gr de crème de marrons
Pour la chantilly : 20 cl de crème fraîche + 2 CS de sucre glace, des amandes effilées grillées (facultatif)
Attention : 12 heures de durcissement au frais. Pas de cuisson

Ma grand-mère Annette.