
Maintenant que je n’exerce plus le métier de libraire, je peux bien le dire : je n’ai jamais lu un roman récompensé par un prix Goncourt et je n’aime pas particulièrement les classiques littéraires.
Cela ne m’a pas empêchée de promouvoir le catalogue de la Pléiade dans une librairie stéphanoise en 2011 grâce à une solide culture générale. J’ai eu pendant deux ans une passionnante professeure de littérature à l’IUT qui m’a fait découvrir avec passion Proust, Céline, Duras, Ernaux…
En 2008, j’ai rédigé un mémoire de fin d’études dans le cadre du DUT métiers du livre sur la littérature au féminin, partant du constat que le lectorat de romans mais aussi le porte-monnaie est principalement … féminin.
Je ris sous cape car il y a dix ans de cela, émergeait dans le paysage éditorial français, la chick-lit anglo-saxonne (traduisez littérature de poulettes) : Le diable s’habille en Prada ou Les confessions d’une accro au shopping… Désormais ce type de lectures a acquis ses lettres de noblesse : on parle de feel-good book, des livres qui font du bien mais ce n’est pas leur qualité littéraire qui éveille l’âme.

Récemment, j’ai constaté que je suis accro à la lecture surtout depuis cette pandémie. Quand je finis un bon livre et que je n’ai rien à lire pour la semaine dans le RER ou le soir, c’est vraiment la loose.
Comme au cinéma, je ne raffole pas des films primés au festival de Cannes, j’aime la culture populaire, celle partagée par le plus grand nombre.
Je suis spécialement allée chercher un petit pavé de 330 pages à la librairie Eyrolles pendant les fêtes. Je suis l’excellent blog littéraire de Fiona, bibliothécaire et rédactrice de My pretty little book depuis des années.
Grâce à elle, j’ai découvert Mille petits riens de Jodi Picoult alors que je n’avais pas du tout envie de prendre en compte les sentiments de suprématistes blancs complétement rageux.
Echange loft londonien contre cottage bucolique est une lecture beaucoup plus légère que Mille petits riens, pourtant elle m’a donné matière à réflexion sur la société actuelle et pourquoi un tel genre de livres m’a plu.
La littérature de poulettes, la poule aux œufs d’or de l’édition : une stratégie marketing au cordeau

La couverture ne paie pas de mine mais elle est efficace. Elle me rappelle une vraie bonne daube qui m’avait bien divertie sur la plage, un été : Le diable habille Nothing Hill de Rachel Johnson, la sœur du fameux Boris.
Ensuite le titre réussit un tour de force. Il m’a convaincue d’acheter le livre. Il résume les aspirations de bon nombre d’urbains occidentaux depuis le début de cette longue pandémie : opérer un retour aux sources quand on en a sa claque de la ville.
Même moi (citadine jusqu’au bout des ongles), je rêve parfois d’un cottage bucolique au fin fond de la Seine maritime. Le sujet de ce livre est original et très moderne, il reflète les vlogs Youtube très populaires sur la toile : échanger de vie avec ses amis pendant une semaine.

Le résumé
Leena est consultante dans une boite londonienne pour qui elle est prête à sacrifier son épanouissement personnel, sa santé mentale et toutes autres formes de loisirs.
Un jour, elle s’écroule devant ses supérieurs et ses clients lors d’une réunion très importante. Elle n’arrive plus à donner le change. Elle a perdu sa petite sœur brutalement, son petit ami n’est qu’un soutien émotionnel, une collègue lorgne sa place…
Sa planche de salut, c’est d’échanger de vies avec sa grand-mère Eileen, 80 ans qui vit dans un petit village du Yorkshire, au nord de l’Angleterre.

Eileen accepte ce challenge complètement toqué car elle aussi a des regrets. Son mari, ce pleutre, l’a larguée comme une vieille chaussette pour une professeure de danse après plus de cinquante ans de mariage. Elle saisit la perche que lui lance sa petite-fille pour vivre une expérience à Londres qu’elle a dû sacrifier dans sa jeunesse.
Mon avis :
Ce roman se structure autour d’un récit écrit à la première personne du singulier (un atout narratif). Tour à tour, Eileen et Leena prennent la parole pour exprimer au lecteur en quoi cet échange bouleverse leurs vies.
Rapidement, le personnage d’Eileen capture toute la lumière, c’est elle la véritable héroïne de cette histoire. Elle est beaucoup moins paumée que sa petite-fille car elle a pris de la maturité à une autre époque, elle sait ce qu’elle veut et qui elle est. J’ai bien ri quand Eileen se fait avoir par un brouteur qui l’amadoue grâce à sa passion pour Agatha Christie.

L’intérêt de ce roman est qu’il parle sans détour de la sexualité des seniors et de leurs sentiments : « Vais-je encore plaire, séduire à mon âge? » A quel âge on s’arrête de penser au sexe ? C’est le genre de débats intéressants que j’aurai aimé avoir avec ma grand-mère Annette. Cela me rappelle une publicité que j’ai vu dans le métro il y a quelques années et qui m’avait fait réfléchir bien plus que je ne le pensais.
Les hommes en prennent pour leur grade dans ce roman, Leena qualifie son grand-père de con et sa grand-mère fait peu de cas de son gendre, le père de Leena et Carla. Je n’aime pas ce message féministe rageux où l’on essaie de faire croire qu’on peu très bien se passer des pères car ils sont trop nuls.
Même si ce roman n’est pas d’une grande qualité littéraire, il a le mérite de traiter du deuil avec beaucoup de tact et de profondeur. C’est d’ailleurs pour cela que la littérature de poulettes a été élevée au noble rang de romans feel good, l’un des secteurs de l’édition occidentale les plus porteurs actuellement.

Le problème avec ces romans, c’est que je repère vite un schéma d’écriture qui se répète dans la production d’une même auteure : Sophie Tal Men, Adèle Bréau, Virginie Grimaldi, Marie Vareille…
Pour finir, voici une liste de mes romans et films favoris made in England !
– Un roman passionnant qui vous envoie directement dans le Sussex sans prendre l’ Eurostar.
–La piscine de Rosemary, plongez tout habillés dans ce grand bain littéraire
–Last Christmas, une romcom qui renoue avec le merveilleux !
