Littérature

Le bureau d’éclaircissement des destins, rendre justice après la Shoah

Le mois dernier, j’ai lu Une vie heureuse, un petit texte de Ginette Kolinka avec Marion Ruggieri, court mais dense. Les récits de déportation sont insoutenables. La cruauté gratuite des hommes me choque, me dégoûte et me décourage.

Mais la manière dont les déportés qui ont pourtant été humiliés au plus profond d’eux mêmes, trouvent la force de se relever et de chercher le bonheur mérite le respect inconditionnel.

Je suis toujours perplexe face aux demandes de lecteurs de la box littéraire Kube qui me demandent que des témoignages de déportés. Avec la lecture du roman Le bureau d’éclaircissement des destins, j’ai mieux compris.

Gaëlle Nohant est une plume reconnue dans le domaine du roman historique. Elle a écrit La part des flammes qui raconte un incendie au bazar de la Charité.

Si vous n’avez pas la patate ou la frite en ce moment, passez votre chemin. Ce livre est dérangeant mais utile, nécessaire même. Je vais être honnête, j’ai sauté de nombreux passages dans ma lecture tellement c’était insupportable.

Je savais à travers les cours d’histoire-géographie au lycée que des médecins qui ne méritaient même pas ce titre se sont livrés à des expériences médicales expérimentales sur des femmes juives en bonne santé.

Mais ce roman a cette force émotionnelle de montrer à quel point l’acte est abominable en convoquant les sentiments, l’ironie à travers des dialogues percutants et sans appel. Cette lecture m’a fait pensé à un autre roman historique, une lecture marquante pour moi l’an dernier : Hôtel Castellana.

Le médecin en question dit aux femmes qui ont été capturées : « Soyez sages mes petits lapins« . J’ai refermé le livre avec violence tant j’étais indignée par la déchéance totale d’humanité. Puis, j’ai repris ma lecture car les pages qui racontent l’après guerre avec ces procès historiques m’ont redonné espoir.

Ces bourreaux protégés par le système concentrationnaire n’ont pas eu ce luxe de pouvoir dormir sur leurs deux oreilles dans leur vieillesse. Ils ont été pourchassés jusqu’en Amérique latine pour répondre de leurs actes devant les tribunaux.

La lettre qu’adresse Elsie, une ancienne kapo à sa petite fille pour lui avouer son passé au sujet d’un très beau médaillon est poignant. C’est d’ailleurs le sujet de ce roman. A partir d’une enquête pour restituer des objets spoliés à des déportés, ce roman traite du lourd fardeau de la seconde guerre mondiale que l’on transmet aux générations suivantes.

Qu’ils aient eu des choses à se reprocher ou qu’ils étaient victimes, les personnages de ce livre doivent vivre avec ce traumatisme. Certains s’enfoncent dans le secret et le déni, d’autres osent affronter le passé comme ces frères et ses sœurs qui se rencontrent pour la première fois soixante ans plus tard dans le parc d’une maison de retraite.

L’héroïne de ce roman s’appelle Irène. Elle est enquêtrice au centre de documentation des persécutions nazies dans une petite ville d’Allemagne ayant un lourd passé SS. Elle raconte les jeux de pouvoir au sein de l’institution qui a compté ses brebis galeuses jouant double jeu.

C’est un roman fascinant qui ne cesse de faire des flash- back entre la seconde guerre mondiale, les années 1990 et l’automne 2016. Il parle d’Irène et de sa vie de famille compliquée. Elle a divorcé de son mari allemand à cause de son obsession pour la vérité dans sa belle-famille alors que tout n’était ni tout blanc ni tout noir dans leur passé.

Ce roman raconte ses tourments, ses errements, ses doutes mais aussi ses certitudes les plus sûres pour mener à bien cette vocation, qui est beaucoup plus envahissante qu’un simple métier alimentaire. J’ai beaucoup aimé l’aspect psychologique de ce livre. Il évoque à un moment, l’attentat terroriste contre un marché de Noël à Berlin auquel échappe son fils Hanno. La peur que ressent cette mère se télescope forcément à celles des mères pour leurs enfants dans les camps de concentration.

Ce n’était pas une lecture très joyeuse mais il en faut aussi parfois. C’était une bonne piqure de rappel pour ne jamais baisser les bras, ne jamais capituler face à la cruauté. Car malheureusement, l’Histoire se répète. En ce moment, des enfants ukrainiens sont kidnappés et déportés en Russie.

Je remercie les éditions Grasset pour l’envoi de ce livre en service de presse. J’aime beaucoup cette maison d’édition pour les textes forts qu’elle publie.

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