
J’ai découvert le témoignage de Ginette Kolinka grâce à la télévision à chaque sortie de l’un de ses livres : Retour à Birkenau et Une vie heureuse, écrits avec Marion Ruggieri, publiés par Grasset. Son fils unique est Richard Kolinka, le batteur du groupe mythique Téléphone.
J’ai dû mal à lire les récits de déportés car ces lectures me donne des cauchemars. Ca me débecte quand l’Homme fait des crasses abominables aux autres. Voici une longue interview menée par Laurent Ruquier lors de la sortie du livre Retour à Birkenau.
Je trouve ça formidable que les youtubeurs comme Guillaume Pley, Jeremstar ou Hugo décrypte interviewent également des anciens déportés.
Je remercie les éditions Grasset pour l’envoi de ce livre en service de presse.
La plupart sont nonagénaires et ils n’ont pas tous la vitalité de Ginette Kolinka à traverser la France entière pour aller témoigner dans les classes de primaire ou dans les collèges- lycées.
Pour préparer cet article, je passe toute ma semaine à visionner ses interviews. J’y réfléchis quand je marche dans la rue et que je tombe sur une plaque commémorative dorée dans ma ville : Fontenay sous bois…

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Ginette Kolinka a écrit ses deux autobiographies avec Marion Ruggieri, journaliste à Elle et chroniqueuse du magazine C’est à vous sur France 5. Il émane une belle complicité entre les deux femmes.
Elles sont venues sur le plateau de l’émission avec Richard Kolinka, son fils. J’ai trouvé cela fort intéressant d’avoir le regard d’un enfant de déporté car c’est un lourd contexte familial pour un enfant.
Ce livre regorge de flash-backs incessants entre différentes périodes de la vie de Ginette. Mais son récit est parfaitement fluide, elle nous guide à travers les années sans encombres.
Cette autobiographie, c’est le portrait d’une famille française du 20eme siècle. Le père de Ginette a combattu pendant la première guerre mondiale. Il fabriquait des imperméables dans son atelier, rue Jean-Pierre Timbaud dans le 11eme arrondissement. Leur famille tenait depuis des décennies un stand de bonneterie sur un trottoir de la Villette.

Ginette raconte que c’est l’amour de son travail qui l’a sauvée ainsi que l’insouciance qu’elle a retrouvé dans les fêtes au Balajo avec son futur mari. J’aime beaucoup la reproduction de sa photo de mariage en noir et blanc dans le livre. Elle est rayonnante aux côtés de son mari. C’est une belle revanche sur ses années de déportation d’où elle est revenue la peau sur les os (elle pesait 26 kilos).
Au lieu de me galérer à résumer ce livre, je laisse la parole à Olivia de Lamberterie, que je considère comme l’une des critiques littéraires les plus douées. C’est la meilleure ambassadrice des libraires !
Retour à Birkenau et Une vie heureuse sont des textes courts mais intenses, avec des mots bien choisis. Ils ne transpirent aucune haine, ni aigreur. Ginette Kolinka transmet à ses lecteurs sa joie de vivre, un très beau pied de nez à une dictature haineuse qui a tenté de la décimer quand elle avait dix-neuf ans.
Elle raconte en toute sincérité les mécanismes de protection qu’elle a mis en place inconsciemment pour survivre psychologiquement et physiquement dans les camps de la mort. Elle était habituée à travailler dur sur les marchés dans sa jeunesse et a mis son cerveau en pilote automatique pour ne pas laisser ses émotions et ses sentiments la submerger.
Cela m’a beaucoup marquée qu’elle préférait être seule dans le camp. Elle a réalisé que c’était une double peine terrible de partager la déportation avec une mère ou une sœur.
Ce n’est pas simple de voir sa maman complètement nue surtout dans les années 1940 où l’on était d’une grande pudeur, de s’inquiéter sans cesse qu’elle tombe malade ou d’avoir du mal à partager son pain quand on a tellement faim.

Elle raconte aussi ses camarades de détention : Simone Veil, Marcelline Loridan-Ivans avec qui elle pose en photo lors de nombreuses commémorations. A leur retour des camps, rien n’était prévu pour soutenir psychologiquement les rescapés des camps. Ginette est rentrée toute seule chez elle après avoir attendu des jours et des jours à l’hôtel Lutétia d’inutiles vérifications d’identité.
Le moment où elle retrouve sa maman et ses sœurs qui n’ont pas été déportées, est terrible. Elle a vu tant de morts dans les camps qu’elle ne prends aucune précaution pour leur apprendre que le père de famille et le petit frère ont été gazés dès leur arrivée à Birkenau.
La meilleure des thérapies pour elle fut de retrouver ses cinq sœurs qui avaient la vingtaine et qui aimaient sortir par instinct de vie pour oublier la guerre et ne pas saboter leur jeunesse.
Je dédie cet article à ma grand-mère Annette et Ma Tante Julienne. Elles sont nées en 1920 et en 1937 dans le Pas de Calais. Elles n’ont pas été déportées mais elles ont vécu la faim, les bombardements incessants dans une zone à risque, l’exode sur les routes de France. Et aussi, un petit clin d’œil à ma copine Alix qui fait un travail remarquable de médiation culturelle auprès des scolaires.
Elles m’ont transmis l’amour de la vie, rire et profiter de tout ce que nous pouvons vivre de beau ! Le plus beau cadeau qu’on puisse faire à un enfant pour l’aider à se construire.

J’ai aimé ce livre car cette arrière grand-mère donne de la force à toute sa famille. Son appartement est une boite à trésors, on s’y ressource en 2023 pour affronter une société actuelle brutale, clivante.

Les personnes lumineuses comme Ginette Kolinka sont les repères d’une humanité bien inspirée.
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