Une vie heureuse, ne pas laisser la déportation noircir toute une vie.

J’ai découvert le témoignage de Ginette Kolinka grâce à la télévision à chaque sortie de l’un de ses livres : Retour à Birkenau et Une vie heureuse, écrits avec Marion Ruggieri, publiés par Grasset. Son fils unique est Richard Kolinka, le batteur du groupe mythique Téléphone.

J’ai dû mal à lire les récits de déportés car ces lectures me donne des cauchemars. Ca me débecte quand l’Homme fait des crasses abominables aux autres. Voici une longue interview menée par Laurent Ruquier lors de la sortie du livre Retour à Birkenau.

Je trouve ça formidable que les youtubeurs comme Guillaume Pley, Jeremstar ou Hugo décrypte interviewent également des anciens déportés.

Je remercie les éditions Grasset pour l’envoi de ce livre en service de presse.

La plupart sont nonagénaires et ils n’ont pas tous la vitalité de Ginette Kolinka à traverser la France entière pour aller témoigner dans les classes de primaire ou dans les collèges- lycées.

Pour préparer cet article, je passe toute ma semaine à visionner ses interviews. J’y réfléchis quand je marche dans la rue et que je tombe sur une plaque commémorative dorée dans ma ville : Fontenay sous bois

Droits réservés Gunter Demnig

Ginette Kolinka a écrit ses deux autobiographies avec Marion Ruggieri, journaliste à Elle et chroniqueuse du magazine C’est à vous sur France 5. Il émane une belle complicité entre les deux femmes.

Elles sont venues sur le plateau de l’émission avec Richard Kolinka, son fils. J’ai trouvé cela fort intéressant d’avoir le regard d’un enfant de déporté car c’est un lourd contexte familial pour un enfant.

Ce livre regorge de flash-backs incessants entre différentes périodes de la vie de Ginette. Mais son récit est parfaitement fluide, elle nous guide à travers les années sans encombres.

Cette autobiographie, c’est le portrait d’une famille française du 20eme siècle. Le père de Ginette a combattu pendant la première guerre mondiale. Il fabriquait des imperméables dans son atelier, rue Jean-Pierre Timbaud dans le 11eme arrondissement. Leur famille tenait depuis des décennies un stand de bonneterie sur un trottoir de la Villette.

Ginette raconte que c’est l’amour de son travail qui l’a sauvée ainsi que l’insouciance qu’elle a retrouvé dans les fêtes au Balajo avec son futur mari. J’aime beaucoup la reproduction de sa photo de mariage en noir et blanc dans le livre. Elle est rayonnante aux côtés de son mari. C’est une belle revanche sur ses années de déportation d’où elle est revenue la peau sur les os (elle pesait 26 kilos).

Au lieu de me galérer à résumer ce livre, je laisse la parole à Olivia de Lamberterie, que je considère comme l’une des critiques littéraires les plus douées. C’est la meilleure ambassadrice des libraires !

Retour à Birkenau et Une vie heureuse sont des textes courts mais intenses, avec des mots bien choisis. Ils ne transpirent aucune haine, ni aigreur. Ginette Kolinka transmet à ses lecteurs sa joie de vivre, un très beau pied de nez à une dictature haineuse qui a tenté de la décimer quand elle avait dix-neuf ans.

Elle raconte en toute sincérité les mécanismes de protection qu’elle a mis en place inconsciemment pour survivre psychologiquement et physiquement dans les camps de la mort. Elle était habituée à travailler dur sur les marchés dans sa jeunesse et a mis son cerveau en pilote automatique pour ne pas laisser ses émotions et ses sentiments la submerger.

Cela m’a beaucoup marquée qu’elle préférait être seule dans le camp. Elle a réalisé que c’était une double peine terrible de partager la déportation avec une mère ou une sœur.

Ce n’est pas simple de voir sa maman complètement nue surtout dans les années 1940 où l’on était d’une grande pudeur, de s’inquiéter sans cesse qu’elle tombe malade ou d’avoir du mal à partager son pain quand on a tellement faim.

Elle raconte aussi ses camarades de détention : Simone Veil, Marcelline Loridan-Ivans avec qui elle pose en photo lors de nombreuses commémorations. A leur retour des camps, rien n’était prévu pour soutenir psychologiquement les rescapés des camps. Ginette est rentrée toute seule chez elle après avoir attendu des jours et des jours à l’hôtel Lutétia d’inutiles vérifications d’identité.

Le moment où elle retrouve sa maman et ses sœurs qui n’ont pas été déportées, est terrible. Elle a vu tant de morts dans les camps qu’elle ne prends aucune précaution pour leur apprendre que le père de famille et le petit frère ont été gazés dès leur arrivée à Birkenau.

La meilleure des thérapies pour elle fut de retrouver ses cinq sœurs qui avaient la vingtaine et qui aimaient sortir par instinct de vie pour oublier la guerre et ne pas saboter leur jeunesse.

Je dédie cet article à ma grand-mère Annette et Ma Tante Julienne. Elles sont nées en 1920 et en 1937 dans le Pas de Calais. Elles n’ont pas été déportées mais elles ont vécu la faim, les bombardements incessants dans une zone à risque, l’exode sur les routes de France. Et aussi, un petit clin d’œil à ma copine Alix qui fait un travail remarquable de médiation culturelle auprès des scolaires.

Elles m’ont transmis l’amour de la vie, rire et profiter de tout ce que nous pouvons vivre de beau ! Le plus beau cadeau qu’on puisse faire à un enfant pour l’aider à se construire.

J’ai aimé ce livre car cette arrière grand-mère donne de la force à toute sa famille. Son appartement est une boite à trésors, on s’y ressource en 2023 pour affronter une société actuelle brutale, clivante.

Les personnes lumineuses comme Ginette Kolinka sont les repères d’une humanité bien inspirée.

Retrouvez-ici mes meilleurs articles consacrés à l’Histoire et aux autobiographies :

-Les Parisiens durant l’Exode, une expo du musée de la Libération

-Une reine, être une femme dans le mellah de Casablanca dans les années 1930

L’âge bête, l’hyperréalisme pour raconter l’adolescence dans les années 1990

J’ai découvert Géraldine Dormoy par le biais des blogs et d’Instagram. Son analyse de la mode et du monde qui l’entoure m’intéressent beaucoup. D’autant plus qu’elle a quitté Paris pour Montélimar il y a peu de temps. Moi j’ai fait le chemin contraire : je viens de la Drôme et j’ai adopté Paris depuis quinze ans.

Puissance d’Instagram : quand on suit le compte de quelqu’un, on fait connaissance et on s’attache… C’est le moyen idéal pour annoncer à sa communauté la sortie d’un livre : L’âge bête édité par Robert Laffont, 20€.

Il ne faut jamais négliger le sous-titre : Pontoise, 1990. J’ai quatorze ans et deux ou trois incertitudes. C’est aussi lui qui déclenche l’acte d’achat. Je remercie les éditions Robert Laffont de m’avoir envoyé un service de presse pour chroniquer ce livre. J’avais également chroniqué un autre récit Une reine de Judith Elmaleh du même éditeur début décembre.

Je lis régulièrement ses post Instagram et ses newsletters pour sa plume de journaliste très précise. Elle a fait de sa passion pour la mode une expertise qu’elle souhaite partager au plus grand nombre. C’est grâce à elle que j’ai réellement compris ce qu’était la fast fashion. J’ai d’ailleurs écrit un article à ce sujet : Ce que j’ai appris de la mode grâce à Promod, Camaïeu et Bonobo

J’ai réalisé avec cette autobiographie dans laquelle je me suis un peu reconnue, que l’adolescence est un moment charnière pour se construire personnellement à travers les vêtements.

Hommage à Camaïeu et ses bombers stylés…

Il y a plusieurs thématiques fortes dans son livre et j’en ai aimé plusieurs : les relations sociales avec les autres, la construction personnelle d’une adolescente qui a eu rapidement conscience des classes sociales en voulant porter tel ou tel vêtement, pratiquer une activité extra-scolaire pour rejoindre un groupe…

Et puis roman sur l’adolescence oblige, Géraldine parle de l’intime, de la transformation de son corps et de ses sens… Même s’ils sont bien écrits, je ne me suis pas régalée à lire ces chapitres car j’estime qu’il faut préserver son intimité dans une société tellement exhibitionniste aujourd’hui…

Après, sa démarche d’écriture était honnête et authentique mais comme elle explique qu’elle fait lire au fur et à mesure de l’écriture ses chapitres à son mari, ses parents ou sa sœur pour échanger, il peut y avoir malaise…

Cela m’a évoqué le sketch de De Caunes et Garcia à cette époque qui parodiaient les animateurs de Fun Radio : Doc et Difool...J’ai trouvé que la manière dont elle racontait la construction de ses goûts, de ses passions qui lui apporteront une forme d’expertise dans son métier… beaucoup plus intéressantes que son éveil au sexe, maintes fois raconté en littérature.

Elle questionne l’éducation post 1968 transmise par ses parents concernant la pudeur et la nudité. On est très loin de La familia grande de Camille Kouchner car ses parents étaient bien moins égocentrés que ceux de l’ élite germanopratine qui n’auraient jamais dû devenir parents (voila c’est dit).

La lecture de cette autobiographie m’a fait penser à Pierre Bourdieu, à Annie Ernaux, prix Nobel de littérature. J’ai trouvé tellement attendrissant sa manière de raconter le couple de ses parents, leurs origines sociales, sa grand-tante concierge espagnole dans le 16eme arrondissement.

Ces chapitres où elle raconte ses vacances en Espagne, maintenues chaque année malgré le revers de fortune de ses parents m’a beaucoup plu. Surtout le chapitre où elle raconte qu’elle devient une petite vendeuse du dimanche dans la boulangerie du coin pour se financer elle même son argent de poche.

J’ai voulu lire ce roman car il raconte une époque : les années 1980-1990, décennie dans laquelle je suis née. Je suis une fan inconditionnelle des deux films générationnels : La Boum de Claude Pinoteau avec Sophie Marceau et j’ai adoré lire L’odeur de la colle en pot d’Adèle Bréau.

J’aime beaucoup ces romans qui racontent la vie quotidienne dans les familles françaises, qu’on vive à Paris ou en province.

J’ai reconnu des copines dans cette ado qui collectionne des miniatures de parfums pour les exposer dans un cadre en bois en forme de maison au dessus de son bureau.

Il y a quelques jours, je regardais Un dimanche à la campagne, l’émission de télévision géniale de Frédéric Lopez avec Nelson Montfort, Berengère Krief et Slimane. Berengère montrait un magazine Starclub avec les paroles des chansons populaires au dos du livre. Cela m’a rappelé mes souvenirs : Les parfums Eau jeune et Anaïs Anaïs, la Macarena, la victoire de France 98…

La force de ce livre vient également de sa couverture très réussie avec des illustrations dessinées par Isabelle Oziol de Pigniol. On y retrouve toute la saveur des années 1990 : les Bensimon, le walkman, la bouteille de parfum Trésor, les revues de mode…

C’est aussi ce qui m’a incité à vouloir lire ce livre. Je suis persuadée que 95% de l’acte d’achat d’un livre en librairies ou sur les réseaux sociaux dépend de sa couverture. D’autant plus, que ce rose est sacrément tendance…

Enfin, j’ai trouvé cette lecture très originale et différente des autobiographies plus classiques que j’ai l’habitude de lire. Géraldine Dormoy fait des aller retours dans le temps entre les chapitres. Elle alterne le temps du récit comme elle l’a vécu avec le temps de l’écriture et la manière dont ses proches reçoivent son récit.

Mes recommandations de lectures si vous aimez les autobiographies :

-Devenir de Michelle Obama

– La tolérance ne sauve pas, l’amour oui : l’autobiographie de Frédérique Bedos

-Vers la liberté de Mahtob Mahmoody

On va éviter de vous recommander l‘autobiographie du prince Harry, Le suppléant, dont le déballage totalement idiot bête sera difficile à oublier…

Une reine, être femme dans le mellah de Casablanca des années 1930

En novembre, la famille de Gad Elmaleh était à l’honneur avec la sortie du film Reste un peu. C’est un film très autobiographique où l’humoriste a invité ses parents et sa sœur à jouer leur propre rôle. Il raconte l’expérience spirituelle qu’il est en train de vivre et comment il a osé entrer dans une église catholique avec sa sœur Judith quand il était âgé de sept ou huit ans à Casablanca…

Elle travaille dans l’ombre de ses frères Arié et Gad qui sont tous les deux comédiens. Elle participe à l’écriture de ses sketchs et scénarise également. Le sujet de son premier roman m’a vraiment intéressée et m’a permis de mieux la connaître à travers les émissions de télé et les articles de presse.

C’est d’ailleurs, l’article de Paris Match qui m’a vraiment donné envie de lire ce roman. On les a photographié unis, en famille, dans la cuisine des parents. L’article titre : « Il n’y a plus de secrets chez les Elmaleh » et reproduit un portrait de Simha pour raconter son histoire.

Judith sous les traits d’Anna, son double littéraire, se réfugie quelques jours chez sa grand-mère à Casablanca car elle divorce à nouveau. Avec beaucoup de tact et de douceur, elle va aider sa grand-mère Simha surnommée Mimi et jamais Mamie à lui raconter sa vie. J’ai aimé ce roman car il m’a rappelé mes conversations avec ma grand-mère Annette.

Elle m’a transmis son optimisme et sa joie de vivre : relativiser et profiter de ce qui est bon et joyeux quand on saute dans le fossé avec son petit vélo pour se protéger d’un bombardement ennemi dans les années 1940 dans le Pas de Calais.

Ce livre parlera à tous ceux qui ont été enrichis par la transmission de souvenirs et d’expériences personnelles avec leurs ascendants. J’ai eu cette chance avec ma grand-mère et mon arrière tante Julienne, qui ont pris les routes de l’exode ensemble alors que Julienne était enceinte de son premier enfant (pour accoucher sereinement, on a connu mieux).

Simha était une toute jeune fille de quatorze ans dans le mellah de Casablanca dans les années 1930. Sa famille était très pauvre et vivait dans une vraie promiscuité. Pour améliorer le quotidien et fournir des enfants à sa tante stérile et son mari, on lui a organisé son propre mariage sans qu’elle ne comprenne rien.

Dans les premiers chapitres du roman, la narration est confiée à Simha pour se livrer en employant la première personne. Le talent de Judith Elmaleh est d’avoir su retranscrire avec précision et authenticité tous les non-dits, les regards lourds de sens quand on la prépare pour son mariage. C’est une gamine qui ne comprend rien à ce qu’il se passe, elle se demande pourquoi on lui accorde autant d’importance en l’emmenant au hammam pour la préparer comme une reine.

Et ensuite, une fois mariée, on nie carrément son intégrité, son consentement en l’envoyant dans le lit d’un homme bien plus âgé qu’elle : vingt-cinq ans d’écart. Heureusement, elle est tombée sur un homme bon et attentionné qui va aimer deux femmes à sa manière. La situation de Simha aura pu être vraiment catastrophique car comme elle était jolie et très pauvre, le proxénète du quartier commençait à roder dans le quartier.

La bigamie est un sujet sulfureux qui fait glousser sous cape. Mais dans ce roman, il met en lumière les rivalités entre femmes en sourdine, mais bien réelles. Cela devait être acrobatique ces sept enfants brinquebalés entre deux mamans et deux maisons car bien sûr dès que Simha mettait au monde un enfant, on l’envoyait vivre avec la première épouse. Le récit de son premier accouchement quand le couple attend derrière la porte le bébé est déchirant.

En tant que maman, j’ai eu le cœur serré pour cette toute jeune fille qu’on a propulsé dans le monde des adultes sans pouvoir grandir à son rythme. Le vrai sujet du livre, ce n’est pas la bigamie, c’est la construction personnelle pour devenir une femme face au poids de la tradition. Forcément, l’histoire d’Abraham qui prend pour maîtresse sa servante Agar pour avoir une descendance fait écho ici.

Judith Elmaleh fait aussi référence à une autre histoire vraie beaucoup plus contemporaine. Celle de Lady Diana et c’est assez dingue. Comme Simha, Diana a été choisie pour sa jeunesse, sa virginité et sa généalogie pour donner un héritier au futur roi d’Angleterre qui en aimait une autre : Camilla Parker Bowles. Encore une fois, la tradition a été la plus forte. Pour Diana, le traumatisme a été dévastateur car elle mangeait de manière compulsive pour noyer son chagrin.

La grand-mère de Judith, Simha est parvenue à trouver sa place dans cette situation familiale sacrément cocasse. Mais on réalise que dans les échanges avec sa petite fille, elle porte en elle le poids de l’amertume d’avoir été utilisée. La scène où elle regarde un chanteur à la télévision avec l’enthousiasme d’une midinette est touchante, on dirait qu’elle retombe dans l’enfance dont on l’a privée.

L’unité de cette grande famille juive marocaine de sept enfants est assez extraordinaire. C’est l’un des oncles de Judith qui lui confie certains aspects de ce secret de famille pour s’en délester car son père n’ose pas lui en parler vraiment.

Judith Elmaleh décrit avec beaucoup d’affection cette famille que l’on connait de mieux en mieux grâce à Paris Match (ma lecture hebdomadaire favorite).

Le rire est aussi une religion chez eux, il faut être drôle et se répéter pour bien raconter une blague. C’est leur fameux grand père Eliahou qui a transmis cette obligation. Il a bien fait puisque tous les membres de cette famille sont talentueux. Le jeu d’acteurs des parents de Gad Elmaleh dans Reste un peu est assez exceptionnel. J’aime aussi beaucoup Arié Elmaleh dans la plupart des rôles comiques qu’il interprète.

Enfin, ce livre m’a donné envie d’aller visiter Casablanca, cette ville mythique au bord de l’Atlantique. Judith Elmaleh a su écrire un roman sensoriel et tactile qui capte avec excellente l’atmosphère d’un quartier emblématique, le choc entre les cultures françaises et marocaines…

Je remercie les éditions Robert Laffont pour l’envoi de ce beau roman en service de presse. La couverture de ce premier roman est très efficace. Elle donne envie d’aller visiter le Maroc et de mieux comprendre la culture juive du Maghreb par un saut au musée d’art et d’histoire du judaïsme dans le Marais à Paris.

Retrouvez ici d’autres articles consacrés à d’autres personnalités enrichies par la culture juive :

René Goscinny, génie de la BD

-Helena Rubinstein, un empire industriel à la force du poignet

-Adèle Bloch Bauer, muse de Gustav Klimt pour l’éternité.

Ba ba bar, mon ami Babar depuis bientôt trente ans

Il y a une biographie qui me fait de l’oeil depuis des mois : La splendeur des Brunhoff, de Vogue à Babar, de la Résistance à Nuremberg, d’Yseult Williams. Elle est sortie cette année en 2020 et le petit éléphanteau sur la couverture m’a rappelée des excellents souvenirs d’enfance.

En moyenne section de maternelle, tous les enfants de ma classe étaient déguisés en Babar pour le carnaval et j’ai longtemps gardé la petite peluche dans ma chambre. Je relisais le soir les vieux albums de mon oncle qui a trente ans d’écart avec moi, notamment Babar chez le Père Noël et la fameuse double page qui montre l’atelier du vieux !

Vingt ans plus tard, je deviens libraire après mes études dans les métiers du livre. Babar est avec Martine et Caroline une référence incontournable de la littérature jeunesse européenne. Il fut même l’objet d’expositions universitaires ou grand public à la BNF ou au musée des Arts décoratifs en 2012.

Le résumé :

Cette biographie raconte le destin d’une famille arty à la fin du 19eme siècle jusqu’aux années 1950. Cette famille aristocrate d’origine germanique a l’édition dans le sang puisque le patriarche Maurice fit une belle percée aux Etats-Unis vers 1900 mais ce seront véritablement ses enfants qui feront un tabac sur la scène européenne. Michel de Brunhoff associé à son beau-frère Lucien Vogel révolutionnera la revue de mode en étant l’ambassadeur de la haute couture française à travers la revue Vogue, propriété du magnat américain Condé Nast. Le petit-frère de cette fratrie est Jean de Brunhoff, le papa de Babar, un génie de la littérature jeunesse qui s’éteindra en 1937 d’une tuberculose osseuse dévastatrice.

La maladie, le deuil, la déportation et les revers de fortune, rien ne sera épargnée à cette famille qui a traversé les deux guerres mondiales avec noblesse et bravoure à l’image de Marie-Claude Vaillant-Couturier, reporter de guerre engagée contre le fascisme dès les années 1930.

Mon avis :

Soyons honnêtes, cette biographie historique parle peu de Babar (trois ou quatre sur la vingtaine de chapitres du livre), elle parle beaucoup de la haute couture française et de son histoire moderne. On peut dire que Babar et son créateur Jean de Brunhoff sont des personnages secondaires de cette saga familiale.

Mais pourtant, ce sont eux que l’Histoire retient parce que Babar est intemporel, il séduit toutes les générations d’une famille. C’est Jean de Brunhoff qui a rendu si populaire son nom de famille à travers son oeuvre enfantine tellement attachante.

Mais ce sont son frère Michel et son beau-frère Lucien Vogel qui l’ont lancé de manière industrielle en coulisses.

Ces deux-là sont deux mondains incontournable du paysage culturel, politique et artistique des années 1920. La splendeur des Brunhoff est un véritable Who’s who à chaque page.

On se moque un peu de savoir le nom du Président de la République de l’époque (Daladier? Reynaud? Doumergue?). Entre 1920 et 1940, ce sont les peintres des avant-gardes, les couturiers, les photographes… qui révolutionnent la société française.

Cette biographie est du même tonneau et très contemporaine de l’histoire d’Hélèna Rubinstein que j’ai chroniqué dans ce blog dernièrement. Ils côtoyaient les mêmes personnalités : Coco Chanel, Jean Cocteau, Picasso… mais les Brunhoff ne se cantonnaient pas aux crèmes de beauté. Ils avaient un impact considérable sur le journalisme, la presse de mode, le mécénat artistique… à travers les revues Vogue et Vu.

Avec eux, on voyage aussi entre Europe et Etats-Unis. Je me suis régalée avec ce livre qui raconte les artistes exilés à New-York comme Man Ray, André Breton, Marcel Duchamps, ça m’a rappelé mes cours d’art moderne à l’Ecole du Louvre. Décidément, le sujet de l’exode durant la seconde guerre mondiale me poursuit (voir mon avis sur l’exposition 1940, Les Parisiens dans la guerre). C’était intéressant de réaliser que même les plus fortunés ont vécu la misère sur ces routes de France dans des conditions abominables.

Les parents de Marie-Claude Vaillant-Couturier : Cosette de Brunhoff et Lucien Vogel
COLLECTION PERSONNELLE THOMAS GINSBURGER

Ce n’est pas un livre joyeux joyeux à lire en ce moment. Mais c’est un livre très utile, un manuel d’Histoire de l’intime. J’ai découvert la vie de Marie-Claude Vaillant Couturier, une résistante héroïque et totalement altruiste.

Un quai de Seine porte son nom dans le 4eme arrondissement. Comme dirait ma grand-mère Annette, elle en avait dans le sac cette Maïco. Je vous détaille ici un passage du livre qui a failli me faire tomber de mon siège dans le métro. Il raconte l’interview manquée de Lucien et sa fille d’ Adolf Hitler en 1933 à Berlin.

« L’équipe de Vu se rend à un meeting d’Hitler au palais des sports de Berlin la veille de l’interviewer. Juste à côté de Lucien, une petite dame aux cheveux gris pique une crise d’hystérie. Elle a l’air ensorcelée. La transe se propage comme un virus considérablement contagieux« .

C’est un livre sur l’engagement autant en amitié qu’en politique, une saga familiale d’une famille bourgeoise avec des idéaux forts comme la loyauté, l’entraide familiale. On se dispute peu dans cette famille mais on sent qu’on s’y aide beaucoup. C’est un livre qui raconte des choses tristes mais avec beaucoup d’espoir et de poésie.

C’est d’ailleurs la conclusion de l’auteure dans l’épilogue du livre. L’auteure raconte l’émotion des deux frères de Brunhoff, Laurent et Matthieu qui redécouvrent le manuscrit original de Babar à la Morgan library de NewYork. Une histoire du soir qui a séduit les enfants du monde entier. Le mot de la fin revient à Babar dans ce livre.

Babar a été traduit dans vingt-six langues, ses vingt-quatre albums ont été vendus à plus de treize millions d’exemplaires. Les petits écoliers de Chessy ont une école qui s’appelle Cornélius en hommage à la famille de Brunhoff qui habitait dans une belle villa. Babar c’est une superbe réussite française un peu à l’image d’Astérix d’un autre grand génie, René Goscinny avec Albert Uderzo.

Ma note : 5 sardines

Ce n’est pas mon meilleur article car j’ai eu beaucoup de mal à synthétiser en quoi ce livre m’a passionnée. Mon ami Anthony de la box littéraire La Kube me l’a recommandé comme l’un de ses coups de cœur.

C’est une biographie « éléphantastique » pour reprendre le bon mot d’un critique d’art, que je vais me dépêcher de transmettre à ma mère. C’est elle qui m’a transmis le goût pour l’Histoire et la culture générale. Comme elle était de corvée de costume Babar pour le carnaval en maternelle, je pense que c’est une belle récompense de lui offrir ce livre.

D’autres articles du blog Le bal littéraire des sardines sur le même sujet :

– Heléna Rubinstein, la femme qui révolutionna l’industrie de la beauté

-René Goscinny, le génie du rire, patrimoine français

Retrouver tout un pan de sa mémoire familiale à travers une exposition sur l’exode

Cinq livres pour enfants à placer dans leur coffre à jouets

Faire fortune en magnifiant la femme : le parcours gagnant d’Helena Rubinstein

Faire fortune en magnifiant la femme

A la fin du confinement, il me fallait des livres gros comme des pavés pour oublier les gestes barrières indispensables mais contraignants ainsi que l’ambiance surréaliste dans le métro. Je me suis donc plongée dans les livres et je me suis constituée une pile à lire comme trousse de secours pour vivre cette épreuve morale du dé-confinement.

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Cette biographie, je la recommande souvent aux lecteurs de la Kube car elle présente plusieurs avantages : bien écrite, elle raconte la vie d’une femme célèbre, qui a fait fortune comme femme d’affaires dans un monde d’hommes.

Helena Rubinstein aurait pu être une Culottée de Pénélope Bagieu dans son recueil de biographies de femmes en BD. Je note qu’une majorité de lectrices de la Kube recherche des biographies de femmes pour se prouver que c’est possible de briser le plafond de verre, de rêver qu’un jour,elles auront un salaire équivalent, à compétences et charge de travail équivalentes.

Pour la petite histoire, quand je suis arrivée à Paris il y a quinze ans, une fois mon bac en poche, j’ai vécu dans un super foyer international La Vigie sur l’île Saint-Louis. Quand je l’ai visité, j’ai su que certaines femmes d’affaires mondialement connues comme Helena Rubinstein ou Estée Lauder étaient tellement riches qu’elles avaient des appartements de fou avec terrasses gigantesques, quai de Béthune, l’une des plus belles adresses au monde. Cela m’a bien encouragée.

Si vous avez loupé comme moi la géniale rétrospective qui lui était consacrée au MAHJ, cette biographie vous permettra de faire connaissance avec ce monstre de l’industrie cosmétique, mécène des plus grandes avants-gardes artistiques. Ce livre écrit par Michèle Fitoussi est un portrait juste et authentique d’une femme très douée pour les affaires mais épouvantable avec son personnel. C’est tout sauf une hagiographie du personnage et c’est une qualité que j’apprécie beaucoup dans le domaine des biographies.

C’est un livre passionnant qui montre le développement de l’industrie des cosmétiques en Occident de Melbourne à Tel-Aviv en passant par Londres, Paris et New-York. Helena Rubinstein a aussi marqué de son nom prestigieux l’histoire de l’art par son mécénat exceptionnel et incontournable.

J’aime beaucoup les rétrospectives du MAHJ consacrées à un artiste juif comme celle de René Goscinny en 2018, sujet d’un article dans ce blog bien évidemment.

Helena Rubinstein a un parcours un peu similaire à celui de Madam CJ Walker, mise en lumière par la série à succès Self-made sur Netflix.

Retrouvez d’autres chroniques de biographies sur mon blog :

– Zidane en lettres d’or

Découvrir Madame CJ Walker dans un biopic savoureux

Mes coups de coeur Netflix

 

 

 

Devenir, la biographie de Michelle Obama tant attendue, je l’ai lue !

Cette année pour Noël 2018 , j’avais une idée précise du cadeau que je voulais : la biographie de Michelle Obama en français.

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C’était l’événement éditorial de l’année, annoncé des mois en avance par les revues spécialisées comme Livres-hebdo. Les enchères sont vite montées entre éditeurs pour le publier.

C’est Fayard qui a remporté la mise et qui a mis en place toute une communication autour de ce livre : comme aux Etats-Unis, il est prévu une série de conférences avec l’auteure dans de grandes salles en France.

J’apprécie beaucoup cette personnalité publique pour son discours politique qui me plait bien, les valeurs familiales et conjugales qu’elle porte, son histoire personnelle et aussi détail futile, sa manière moderne et accessible de s’habiller.

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Copyright Reuters

J’ai même acheté, il y a dix ans maintenant, un livre en anglais dans la librairie Galignani qui recense ses tenues et non je n’en ai pas honte ! Je trouve que sa robe créée par Jason Wu pour un bal d’investiture en janvier 2008 est superbe et je suivais même un blog américain à un moment pour regarder ses cardigans, ses robes à lavallières et colliers de perles…

D’ailleurs, il est aussi question de mode dans ces mémoires. Michelle Obama explique comment ses vêtements comportaient sans qu’elle le veuille vraiment, un véritable message politique qui la dépassait un peu.

Celle qui lui a succédé en tant que First lady l’a d’ailleurs bien compris. J’ai beaucoup aimé la tenue bleue glacé de Mélania Trump pour la cérémonie d’investiture de 2017. Elle a choisi Ralph Lauren pour se placer dans la tradition américaine : la référence au style preppy et à Jackie Kennedy était évidente !.

En France aussi, on détaille beaucoup plus les tenues vestimentaires de la première dame (Brigitte Macron souvent habillée par Louis Vuitton) que son action caritative sur le terrain. Pourtant, les first ladies américaines sont beaucoup plus considérées aux Etats-Unis selon moi, on les prends au sérieux en définissant mieux leur rôle auprès de leur mari.

Je trouve ça même un peu fatigant ces polémiques sur l’argent du contribuable qu’elles coûtent, alors qu’elles se dévouent aussi à l’action politique de leur mari, qu’elles ont dû sacrifier leur métier, leur vie familiale comme Michelle Obama et que la politique les rebute beaucoup.

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J’avais lu auparavant les autobiographies de Bill Clinton, Hillary Clinton ainsi que le livre de Barack Obama, Les rêves de mon père. Ce sont des personnalités publiques populaires (les présidents démocrates et leurs épousent fascinent les Français).

Mais l’élection de Donald Trump prouve qu’envisager qu’une ancienne Première dame aussi expérimentée soit-elle puisse revenir à la Maison -blanche en tant que big boss est tout sauf une bonne idée.

Malgré elles, Hillary Clinton et Michelle Obama représentent un mandat politique déjà tenté avec ses qualités et ses défauts. Les Américains portent aux nues ces first-ladies en imaginant un mandat présidentiel de Michelle Obama suite à son discours virulent contre le machisme de Trump mais cela tient du conte de fées.

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Devenir

Michelle Obama

Editions Fayard, 2018

496 pages

24€

Le résumé : 

C’est un énorme pavé de 500 pages, structuré en trois grandes parties : Devenir moi, Devenir nous et Devenir plus.

Dans la première partie, Michelle Obama raconte son enfance et adolescence dans le South side de Chicago, au sein d’une famille de classe moyenne très unie composée de ses parents Marian et Fraser Robinson et de son frère Craig.

Elle rencontre Barack au chapitre huit ! C’est une femme amoureuse qui raconte leur histoire idyllique mais aussi leurs différences de caractère avec humour et vérité. Elle va vivre un drame : le décès de son père après un long combat contre la sclérose en plaques qui aurait pu mieux se passer si son père avait fait preuve d’un peu plus d’égoïsme, l’un des grands regrets de sa fille.

La troisième partie (la plus intéressante selon moi) est celle où elle raconte ses huit années passées à la Maison blanche. Elle explique comment elle a pu mettre en place un immense potager dans le jardin du palais présidentiel pour lutter contre l’obésité et la mauvaise nutrition des enfants américains.

Une réplique de Barack Obama m’a fait rire, quand sa femme faisait du lobbying pour interdire les snacks plein de graisses dans les cantines d’écoles américaines :

« Si je ne faisais pas voter cette loi, je pouvais dormir sur le canapé ! « 

Enfin, Michelle Obama raconte sa nouvelle vie à Washington, toujours protégée par des gardes du corps mais ayant retrouvé plus de liberté et d’indépendance vis à vis du protocole…

Mon avis :

Au début, je lisais assez lentement la première partie car Michelle Obama racontait son enfance au sein d’une famille heureuse et unie, des histoires assez ordinaires pour être honnête. Mais j’ai rapidement été convaincue par l’explication de son parcours méritocratique pour ne pas subir la fatalité : elle descend d’une famille d’esclaves noirs de Caroline du Sud.

La génération de ses parents et de ses oncles et tantes n’a pas pu connaître l’ascension sociale qu’ils méritaient parce qu’ils n’avaient pas de carte de syndicalistes pour entrer dans le système.

J’ai aussi beaucoup aimé son discours qui racontait une réalité injuste sans tomber dans le discours réactionnaire et revanchard anti-blanc. Michelle Obama est tout sauf une personne communautariste comme son mari qui a bâti son parcours politique sur une solide expérience d’animateur social dans les faubourgs de Chicago. C’est la meilleure ambassadrice du parcours de son mari et c’est beau à lire !

Je savais que tous les deux ont mis un bon moment à rembourser leurs prêts étudiants pour les études dans des universités prestigieuses de l’Ivy League : Princeton puis Harvard pour Michelle Obama.

Mais j’ai été assez impressionnée de voir que Barack Obama comptait (parfois à tort) sur les droits d’auteur de ses livres pour faire fortune. C’est assez encourageant de se dire que le travail intellectuel paye encore quand on veut être candidat à la présidentielle américaine, que tout ne se fait pas sur une fortune acquise depuis la naissance.

Enfin j’ai beaucoup aimé sa réflexion sur les évolutions sociétales très rapides auxquelles elle a été confrontée pour éduquer ses filles de manière authentique devant les caméras du monde entier : comment gérer la notoriété et l’emballement des réseaux sociaux, comment donner le sens de l’effort à des petites filles qui se retrouvent du jour au lendemain servies par des majordomes et des cuisiniers…

Il y a une personne centrale de la famille Obama dont la présence était déterminante à la Maison blanche pour garder la tête froide dans cet univers privilégié pour Michelle Obama : sa mère Marian Robinson. Elle rabrouait les journalistes qui encensait grossièrement ses enfants en remettant les pendules à l’heure avec beaucoup d’amour : « Ils ne sont pas exceptionnels, le South side regorge d’enfants comme eux « !

 

Ma note :

4/ 5 sardines

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Ce livre est dense, lourd à porter dans le train (mon mari a beaucoup râlé !) mais saluons son prix très correct : 24€ pour 500 pages.

Il m’a fait réaliser à quel point les Etats-Unis souffraient des tueries de masse et des règlements de comptes qui font vivre la terreur aux enfants et aux parents dans les écoles américaines maternelles, primaires et secondaires de tout le pays.

L’histoire d’une jeune fille du South side qui a été abattue dans la rue par erreur, m’a vraiment marquée.  Michelle Obama reconnaissait avec honnêteté que son mari et elle ne pouvaient pas donner de solutions miracles à ces jeunes sans cesse confrontés à la mort mais que l’école pouvait être un échappatoire possible.