Un chef d’œuvre dans mon frigo : La laitière de Vermeer.

Depuis que je suis enfant, j’aime les tableaux. Deux œuvres m’ont particulièrement marquée : La laitière de Vermeer et les sérigraphies de Marilyn Monroe par Andy Warhol. Puis le pop art m’a lassé, la reproduction en produits dérivés de la société de consommation, ça va bien cinq minutes !

Alors que les scènes de genre de Vermeer du 17eme siècle sont intemporelles. Je suis sûre qu’elles seront encore iconiques au siècle suivant.

Il se trouve que la semaine où j’ai commencé à rédiger cet article, Paris-Match présentait en couverture une nouvelle exposition au Rijksmuseum consacrée à Vermeer.

Les nouvelles technologies aident à percer certains secrets de peinture !

En 2017, je me suis fait un cadeau : une conférence sur l’exposition Vermeer et les maîtres de la peinture de genre à l’auditorium du musée du Louvre.

Le prix de l’exposition était exorbitant pour douze tableaux présentés et il y a eu des couacs dans la gestion des flux de visiteurs. C’est ce que je reproche au musée du Louvre : ils organisent des expositions très mainstream avec des peintres super stars comme Vermeer puis Léonard de Vinci. Et c’est le vrai bazar logistique.

Je pense que Vermeer touche beaucoup de gens à travers les siècles car il propose une représentation faussement anodine du quotidien. Il fait poser une laitière absorbée par la préparation du pain perdu (miam ! mon péché mignon) dans une arrière cuisine très froide et sans artifices : on voit les clous fixés dans le mur de chaux.

Pourtant, tous les éléments du décor sont mis en scène de manière savante : le carreau cassé de l’arrière cuisine, le miroir de profil. Elle porte un justaucorps jaune en cuir, les manches retroussées montrent ses bras en plein travail.

J’aime beaucoup La jeune fille à la perle également mais il s’agit d’un véritable portrait, un modèle qui pose. D’ailleurs, on ne sait pas qui est cette fameuse jeune fille. Est ce que c’est une servante comme le suggère Tracy Chevalier dans son roman ou une des filles de Vermeer ?.

Il peint des servantes comme des reines. Les nymphes, déesses de la mythologie ou encore les riches aristocrates que l’on voit depuis très longtemps dans les tableaux de la Renaissance en Italie ou en France ne suscitent pas la même sympathie…

Je pense que ses tableaux parlent aux gens mieux que les nombreux portraits de riches mécènes. Ceux qui commandent les tableaux viennent des élites.

Vermeer masque les inégalités sociales par la lumière. Je suis subjuguée par l’idée que des femmes de l’aristocratie ont pu reconsidérer autrement leurs servantes à travers des tableaux de maîtres.

Le roman La jeune fille à la perle explique très bien ce changement de statut quand le maître hollandais choisit comme modèles des domestiques.

L’arrière cuisine en ville, c’est là où le degré social est le plus bas. Or Vermeer utilise une composition triangulaire comme les Vierges de Raphaël.

Il a le génie de se distancier de la ligne égrillarde, de l’image provocante des filles de cuisine, à qui on prête surement à tort une grande disponibilité sexuelle. Il monumentalise son modèle grâce à des artifices très efficaces : la lumière, la composition…

Pour moi, La laitière est carrément un tableau politique à la gloire de l’apogée économique hollandais au 17eme siècle. Vermeer a peint une figure nourricière exaltée par la grâce de la lumière.

Le pain est un symbole de la réussite des Pays-Bas alors que la France de Louis XIV connaissait alors des famines. La France était alors majoritairement rurale alors que la Hollande est plus citadine.

Mais la France voue une véritable admiration au peintre hollandais. Après une première exposition au Louvre en 1966, cette pastorale devient une star du rayon frais en 1973 avec une marque du groupe Chambourcy.

J’ai beau chercher d’autres œuvres d’art, je pense qu’il s’agit d’un fait unique dans l’histoire du marketing alimentaire. J’achète ces yaourts pour le tableau en premier !

Visiter Delft, ville européenne influente au 17eme siècle

Droits réservés Holland.com

Tout le monde vante la beauté d’Amsterdam comme étant une capitale européenne à absolument visiter. Curieusement, je suis plus attirée par une visite à Delft. Son architecture me rappelle beaucoup Bruges en Belgique…

Delft est renommée car c’était la ville de Vermeer et aussi pour sa fameuse faïence bleue, renommée dans toute l’Europe. Les Hollandais étaient leaders dans le commerce international avec des comptoirs commerciaux dans les Indes.

Je garde un vrai souvenir de la cuisine toute bleue de la maison de Claude Monet à Giverny. Je pense que la manufacture de Rouen qui les a réalisé a été inspirée par Delft.

Depuis longtemps, j’avais à coeur d’écrire cet article car La jeune fille à la perle est un de mes crush lecture. J’aime énormément comment la vie quotidienne au 17eme siècle est décrite : les servantes qui vont chercher de l’eau dans le canal pour faire le ménage…

Je vous invite à lire mes carnets de voyage urbains à Lille et Anvers. L’architecture flamande est vraiment caractéristique de l’identité européenne. J’ai hâte de visiter le beffroi d’Arras dans le Pas de Calais, les grand places sont vraiment extraordinaires et j’aime les façades de maisons avec pignons à gradins.

Pas étonnant que ce soit les images choisies pour les cartes de Noël. Si je ferme les yeux un soir de marché de Noël sur une de ces grand places, je me retrouve direct dans mon imaginaire avec le conte La petite fille aux allumettes

On a testé en famille Tintin, l’aventure immersive à l’Atelier des Lumières : toutes les générations ont aimé !

Comme ma fille a bientôt quatre ans, je commence à avoir envie de lui faire visiter des expos à Paris. Sa première expérience : la Cité des sciences (incontournable pour les gosses) avait été concluante, je lui cherche d’autres sorties adaptées à son âge.

Depuis, il y a eu quelques ratés comme la sortie ciné de Noël : Ernest et Célestine (très impressionnant le passage du petit au grand écran) ou la non-visite à la Cité de l’architecture et du patrimoine : trop de pièces sombres, un sujet trop sérieux et historique pour une petite fille…

Avec Tintin, l’aventure immersive, j’étais sûre de mon coup. Nous avons profité de la visite de mon oncle et ma tante de Marseille pour les emmener à l’Atelier des lumières que nous visitions également pour la première fois.

Ce musée numérique se trouve entre Saint-Maur et Père Lachaise dans le 11eme arrondissement. Il s’agit d’une ancienne fonderie assez imposante qui peut accueillir entre 200 et 500 personnes pour chaque créneau horaire. Il est fortement recommandé de réserver ses billets à l’avance. On avait choisi notre horaire habituel de 10h30, un peu matinal mais on est des vieux de la vieille pour éviter les foules. A 11h30, la file d’attente s’étendait sur un pâté de maisons…

Tout est très bien organisé pour les flux de visiteurs. Il y a un vestiaire avec des casiers, des toilettes gratuites, un local surveillé pour les poussettes et un passage obligé par l’espace boutique en sortant. On a un peu l’impression de sortir en boite de nuit avec ses enfants, c’est drôle.

Quand nous sommes arrivés, j’étais un peu dépitée par le monde dans le lieu pour un dimanche matin (l’exposition se termine dimanche prochain après prolongations…). Mais rapidement, nous avons trouvé un large plot industriel pour pouvoir s’asseoir confortablement tous les cinq, de nombreux parents et enfants étaient assis par terre. Il y a aussi une tribune pour voir tous les écrans à 360 degrés.

C’était notre première expérience d’exposition immersive et je dois dire que j’ai beaucoup aimé ! C’était vraiment passionnant cette manière de filmer les détails, d’associer des musiques très bien trouvées. Les créateurs de ce film de quarante minutes ont réussi la prouesse de faire vivre l’œuvre de BD et de transmettre des émotions aussi bien à des bébés, qu’à des trentenaires comme moi ou des retraités.

Il faut dire que j’avais mon oncle à côtés de moi qui connaissait tous les titres : Yellow submarine et All you need is love des Beatles, les Pink Floyd, David Bowie… et le final avec Jacques Brel. La musique est très importante dans cette exposition car elle permet de nous indiquer le contexte historique dans lequel Hergé a crée les vingt trois albums de Tintin entre 1930 et 1976.

L’homme a marché sur la Lune en 1969 avec la mission Apollo-13 mais Hergé avait déja imaginé une histoire de conquête spatiale en 1953 avec Objectif lune. Chacun connait les couvertures de ces albums, dont on ne se sépare pas. On les garde dans le grenier de la maison de vacances pour les transmettre à ses enfants.

Les aventures de Tintin continuent à faire le bonheur de son éditeur Casterman avec plus de 270 millions d’albums vendus (totalisés en 2019) et traduits dans plus de 110 langues et dialectes.

Tintin me passionne à double titre car je travaille dans les métiers du livre depuis plus de dix ans et que j’ai étudié l’histoire de l’art à l‘Ecole du Louvre. En 2017, j’avais visité l’exposition dédiée à Hergé au Grand palais et écrit un article à retrouver ici : Tintin au royaume de l’histoire de l’art.

Hergé est le précurseur de la ligne claire, un graphisme sobre au profit de la netteté du trait. C’est d’ailleurs cette ligne claire qui fait la réussite de cette exposition numérique. Les techniques numériques employées justifient le prix un peu prohibitif du ticket d’entrée : le tarif réduit est à 14 euros à partir de 5 ans. Mais on en a pour son argent ! On peut d’ailleurs rester regarder une deuxième fois le film si on le souhaite…

Je vous recommande la lecture du site officiel de Tintin qui est une mine d’or d’informations. J’aime la BD passionnément depuis mon enfance. Surtout la BD belge avec Gaston Lagaffe, Boule et Bill… Je trouve que le 9eme art se prête vraiment bien à ce genre d’exposition immersive et je réfléchis à la prochaine que j’irai voir.

Tintin a cette richesse d’être un reporter qui parcourt le monde entier avec différentes esthétiques : le Far-West, les chinoiseries du Lotus bleue, l’île Noire, le monde sous-marin… J’ai trouvé que l’univers d’Hergé était beaucoup plus passionnant que des tableaux de peinture qui ont plus de mal à prendre vie qu’un jeune reporter intrépide qui poursuit les méchants…

C’est peu dire que cette exposition m’a emballée. J’avais hâte de vous en faire part. Cela enrichit toute ma réflexion sur la commercialisation des livres dans les musées.

J’ai travaillé pendant trois ans à la librairie RMN du musée du Louvre. Je dois dire que les musées de Culturespaces à travers le monde sont un modèle économique assez bluffant et innovant. Il réussit à capter les publics de toutes les générations. Cela permet de dépoussiérer l’image des musées. Tout un quartier permet de bénéficier du dynamisme de ce lieu. Il y a désormais autre chose à voir que le Père Lachaise dans le coin !

Il y a aussi Clint, le brunch idéal pour se restaurer dans un cadre bien décoré. On avait inauguré cette belle adresse quelques semaines avant de devenir parents début 2019. J’avais même consacré un article à cette chouette adresse. Nous y sommes donc retourné avec plaisir car leur cuisine est très bonne, on sent que c’est fait main même si l’addition est assez salée.

Le seul regret était la pression des serveurs pour nous presser un peu à libérer la table. On comprend quand on voit la file d’attente quand on sort mais ce n’est pas des plus agréables.

Nous avons vraiment apprécié cette virée à Paris un dimanche matin sous le soleil en janvier. Même si les temps de transports en RER en proche banlieue et les files d’attente dans les musées nous conditionnent avec des enfants. Mais c’est le jeu !

Retour dans le blog sur les plus belles expos parisiennes qui m’ont marquée:

-Gabrielle Chanel, l’îcone mode intemporelle

-Les Parisiens durant l’exode

Retrouver son histoire familiale à travers une exposition consacrée à l’exode en 1940

Hier, c’était l’anniversaire du décès de ma grand-mère Annette. C’est mon second prénom et je parle souvent d’elle ici car elle m’a souvent confié sa vie. Elle est née en 1937, à Saint-Pol sur Ternoise dans le Pas de Calais.

Quand elle avait trois ans, elle est partie sur les routes de l’exode avec sa mère, ses grands-parents, son frère, son oncle et sa tante qui était alors enceinte de son premier enfant. Cette fameuse tante c’est ma bien-aimée Ma Tante Julienne (avec des majuscules à chaque mot tant on s’aimait bien elle et moi).

L’église Saint Paul à St Pol sur Ternoise. Droits réservés La voix du Nord

Elle est partie en janvier dernier et j’avais écrit mon meilleur article dans ce blog pour lui dire au revoir. En juin, mon cousin Victor, l’un de ses petits-enfants a envoyé à toute la famille un cadeau inestimable : une heure d’entretien avec Julienne dans le jardin de son moulin à Wavrans sur Ternoise. Un endroit de rêve.

Julienne y raconte son enfance (elle est née en 1919), son mariage qui n’a failli ne pas avoir lieu à cause de l’entrée en guerre de la France de la seconde guerre mondiale et surtout la fuite sur les routes de France.

Ma Tante Julienne à gauche, ma grand-mère à droite et moi

Une grande partie de la famille s’est réfugiée à Avoine en Touraine pendant plus d’un mois et demie, cachés dans des caves où ils n’ont pas mangé grand chose. Ensuite, on leur a dit de rentrer chez eux dans le Nord. Le retour à la maison ne s’est pas fait sans difficultés : mon arrière-grand mère est rentrée avec ses enfants dans un wagon à bestiaux depuis Longueau près d’Amiens.

Tandis que Julienne est rentrée en voiture avec sa fille sur les genoux depuis Melun mais tous les ponts étaient détruits par les Allemands. Et une fois rentrés, le pire les attendait puisque Saint Pol sur Ternoise était un lieu stratégique pour les Allemands avec une gare de triage très souvent bombardée.

On se croirait véritablement dans les romans Suite française d’Irène Nemirowski ou La bicyclette bleue de Régine Desforges…

Une pareille histoire familiale que je viens de découvrir en intégralité cet été grâce à ce précieux film, me fait bien réfléchir sur le luxe de la liberté en 2020, même confinés !

Huit millions de personnes ont fui le nazisme sur les routes de France dans un chaos total et très soudain. Comment les petites villes de province sont-elles parvenues à nourrir cet afflux soudain de populations effrayées et à bout de force ? Je suis aussi sensible au désarroi de ces familles qui ont confié leurs enfants pour les protéger et qui les ont perdus pendant des années.

Cette bande-annonce du musée de la Libération de Paris est géniale, je vous raconte ma visite de l’exposition 1940, les Parisiens dans l’exode.

C’est une petite exposition de quelques pièces mais très forte sur le plan émotionnel. Elle commence avec des affiches de propagande, des brochures pour expliquer comment se comporter en cas d’attaque aérienne, comment porter le masque à gaz (tiens, tiens, nous aussi nous avons des masques…. mais nous sommes bien mieux lotis qu’eux )…

J’ai lu dans le dossier de presse une référence directe à l’Exode d’Egypte dans la Bible. Cela me parait évident quand j’y réfléchis mais les Hébreux étaient bien mieux guidés par Dieu qui savait exactement où il voulait les emmener et comment les secourir.

J’ai beaucoup pensé à l’exode de 1940, quand le 16 mars 2020, Paris s’est vidé de près d’un million d’habitants qui ont fui un confinement dans un logement trop étriqué. Les dangers ne sont pas les mêmes mais les mouvements aussi massifs de populations sont toujours autant significatifs.

J’ai bien aimé la vidéo avec le discours de Churchill, Winston ce héros, les photographies pour mettre à l’abri les œuvres du Louvre…

Puis la catastrophe arrive. On organise la sortie de la population via les portes de Paris mais les avenues sont trop petites pour contenir la foule. J’ai été frappée par les photographies où les gens marquaient leur nom et leur date de leur passage à la craie sur les murs d’une ville de province pour donner des nouvelles à leurs proches. On était loin de la géolocalisation…

On se prend en pleine figure des photographies choc comme l’arrivée d’Hitler et son état-major au Trocadéro le 23 juin 1940. Un gros affreux n’arrivant jamais seul, on trouve ensuite le portait du maréchal Pétain, héros de Verdun devenu un vieux revanchard qui ne fait pas l’unanimité.

Il a mis le genou à terre devant l’ennemi, divisant irrémédiablement le pays pour une vingtaine d’années. J’ai noté une de ses critiques de la société française qui m’a bien interrogée. Pétain dénonce l’esprit de jouissance de la société française. Étonnant pour un homme qui avait des propos moralisateurs mais une vie privée assez olé olé !

Portrait de Charles de Gaulle

Mais dans cette galerie de portraits des principaux protagonistes de la seconde guerre mondiale, il y a aussi une belle photographie en noir et blanc de Charles de Gaulle. C’est le héros de mon grand-père, un gars du Nord comme lui. Il faudra que je lise un jour une de ses biographies tant mes grands-parents m’ont bassinée avec lui et je ne le connais pas tant que ça !

La fin de l’exposition m’a achevée avec un extrait du film Jeux Interdits de René Clément. On y voit une petite fille qui court sur un pont en plein bombardement pour récupérer son petit chien. Ses parents lui courent après et ils se font toucher par les balles des avions. C’est Guernica sur les routes, j’étais vraiment écœurée.

Mon frère Ugo en a dans le sac d’être allé visiter Ouradour sur Glane et un camp de concentration en Allemagne quand il a gagné plusieurs fois le concours national de la résistance et de la déportation quand il était au collège.

Je vous recommande donc cette excellente exposition qui montre de manière très efficace en quoi la guerre est abjecte. Ce musée se trouve place Denfert-Rochereau et il mérite le détour. Le prix d’entrée de l’exposition était de 6€, un tarif très raisonnable.

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Guernica en BD, plaidoyer pour la paix

Les objets du confinement s’exposent au Mucem

Une journée dans le Pas de Calais pour dire au revoir à une grande dame.

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