Littérature

Adele Bloch-Bauer, muse de Gustav Klimt, icône intemporelle de l’histoire de l’art de la littérature.

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Le secret d’Adèle, roman de Valérie Trierweiler,

éditions les Arènes, mai 2017,

320 pages, 20€.

Mon coup de coeur pour le film La femme au tableau en 2015 m’a beaucoup marquée. C’est l’histoire de Maria Altmann, héritière désargentée à cause des nazis qui se bat contre son pays d’origine pour qu’on lui restitue un tableau de famille.

C’est le portrait de sa tante Adèle Bloch-Bauer peint en 1907 par Gustav Klimt, le chef de file de la Sécession viennoiseJ’ai écrit une chronique au sujet de ce film et j’ai été surprise du nombre de visites. Adele Bloch-Bauer passionne les internautes au même titre que la jeune fille à la perle de Vermeer.

Avec Le secret d’Adèle, Valérie Trierweiler  a donc choisi le personnage idéal pour construire un roman mêlant histoire de l’art et littérature érotique. Klimt comme d’ autres peintres de la Sécession viennoise (Egon Schiele en particulier, son élève) ont fait de l’ érotisme un élément iconographique incontournable de leur mouvement artistique.

Je remercie les éditions des Arènes de m’avoir envoyé le livre en service de presse pour ce blog. La couverture est magnifique : quand le roman décrivait le tableau, je revenais vers la couverture pour regarder tous les détails : les motifs géométriques, la signature du peintre, les zones où l’or est employé…mini-carte-klimt-lot3-2

Le thème central de ce roman est la complicité affective et sensuelle entre le peintre Gustav Klimt et son modèle Adèle Bloch-Bauer. Dans le film La femme au tableau, les souvenirs de Maria racontaient cette tante, qui était morte en 1925 d’une méningite à 42 ans.

Adèle était alors un personnage incontournable mais secondaire du film : la belle disparue, le personnage d’un tableau mondialement célèbre dans les catalogues d’expositions. Valérie Trierweiler nous offre la possibilité de faire plus ample connaissance avec Adèle.

Le résumé du livre :

Adèle Bloch-Bauer est l’épouse de Ferdinand Bloch, un riche industriel ayant fait fortune dans la fabrication et le commerce du sucre en Europe centrale. Leur couple connait à plusieurs reprises le drame de perdre des enfants à la naissance, plongeant Adèle dans une profonde mélancolie.

Leur amour commun pour l’Art Nouveau redonnera le sourire à la jeune femme éplorée, aussi son époux financera Gustav Klimt, le chef de file de la Sécession viennoise pour peindre le portrait de sa femme en 1907.

Gustav Klimt est alors le peintre que toute la bourgeoisie de la ville sollicite pour peindre leurs épouses même si sa réputation sulfureuse auprès de ses modèles est connu de tous à Vienne.

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Mon avis :

Voici trois bonnes raisons de lire ce lire même si j’émets des réserves sur les thèmes du roman peu originaux et le style mièvre qui caricature Adèle Bloch-Bauer.

1. Grâce à ce roman, j’ai voyagé en Europe centrale, dans la Vienne Belle époque.

L’atmosphère de la Mitteleuropa est très bien décrite dans ce roman. Il montre toute l’effervescence intellectuelle, artistique et sociale dans les grandes réceptions mondaines qui se tenaient chez le couple Bloch-Bauer dans leur luxueux appartement, d’une artère bourgeoise de la ville.

Adèle était amie avec Sigmund Freud, Stefan Zweig, Gustav et Alma Mahler… Elle s’intéressait à la mode parisienne, aux avants-gardes artistiques en France : Picasso, Braque, Matisse…

J’ai appris beaucoup de choses avec ce roman sur le contexte historique de l’époque : la montée de l’antisémitisme, les déplacements de populations juives ainsi que les tourments territoriaux vécus par l’empire austro-hongrois entre 1900 et 1914. Même s’il était très fortuné (il terminera sa vie dans un grand dénuement, spolié par les nazis), Ferdinand Bloch devait sans cesse se démarquer des élites viennoises qui le stigmatisaient à cause de sa nationalité, sa religion…

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Le Burgtheatre à Vienne

 

2. Les descriptions des caractéristiques de l’art de Klimt sont passionnantes :

Ce roman a su retranscrire avec fidélité certains traits caractéristiques d’une oeuvre novatrice et esthétique. Le recours aux feuilles d’or, référence à l’art byzantin antique donne à Adèle Bloch-Bauer une dimension éternelle. Ses motifs géométriques et figuratifs tellement originaux se réfèrent aussi à l’art égyptien.

Je vous recommande la lecture d’un livre d’histoire de l’art très complet : Gustav Klimt, l’or de la séduction d’Eva Di Stefano, édité par Gründ en 2007.

set-a-cafe-gourmand-klimt-le-baiserKlimt a marqué l’art occidental, comme en témoigne la quantité de produits dérivés dans le monde entier : les posters, les tasses à café à l’effigie du Baiser…

Il a produit une dizaine de tableaux incontournables de l’art occidental, rendant un fort hommage allégorique à la femme (chez Klimt, les hommes sont des personnages secondaires).

 

Klimt est le peintre de cycles iconographiques complets à l’image de ses décors pour le palais Stoclet à Bruxelles (assurément ma prochaine visite culturelle après la maison Horta à Saint-Gilles).

Le secret d’Adèle raconte comment le couple Bloch-Bauer a été subjugué par l’exposition de la frise Beethoven à Vienne au tout début du siècle. Adèle rend un bel hommage à son mari qui a su comprendre à quel point Gustav Klimt était un artiste génial qu’il fallait financer même si Ferdinand Bloch ne comprenait pas toute la portée du message du peintre.

3. Un roman aussi bien documenté qu’une biographie historique.

L’histoire débute en 1904 pour dérouler une grande partie de la vie d’Adèle jusqu’ à sa mort en 1925 à 43 ans. J’ai beaucoup aimé le fait que ce roman fasse le lien avec le combat juridique de Maria Altmann en 2006 car ainsi je connaissais désormais toute l’histoire d’ Adèle Bloch-Bauer et de son portrait.

La bibliographie à la fin du roman est très fournie, cela me donne envie de lire d’autres ouvrages sur le même thème et les biographies des personnes citées : Alma Mahler, Rilke, Stefan Zweig…

Ma note :  2/ 5 sardines

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Je mettrai la note de deux sardines sur cinq à ce livre pour quelques réserves :

– Je n’ai pas aimé que l’intrigue du roman soit basée sur la relation adultérine entre Klimt et Adèle car c’était ennuyeux à lire, peu original et superficiel. Il est bien possible que cette liaison soit véridique mais peu importe la relation, l’intimité entre les époux Bloch-Bauer m’a beaucoup plus passionnée.

Comment cet homme attend des années et dépense sans compter pour deux portraits (Adèle Bloch-Bauer fut le seul modèle de Klimt à poser deux fois pour le peintre) afin de redonner le sourire à sa femme. J’ai vu une photographie de Gustav Klimt, avec son étrange kimono, il ressemblait plus à un sauvageon sorti de la forêt qu à un tombeur de ces dames.

– Valérie Trierweiler n’est pas historienne de l’art (moi oui) et cela se ressent dans ce roman. Même si le livre est très bien documenté historiquement et juste, on ressent qu’elle cultive une certaine distance avec le personnage d’Adèle, qu’elle exprime dans l’épilogue. Je ne comprends pas du tout ce parti-pris très curieux. Je trouve dommage qu’elle ait su cerner certains traits de la personnalité de son sujet mais sans leur donner toute la profondeur psychologique que le genre de la biographie historique requiert.

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Portrait par Klimt d’Emilie Flöge, sa compagne et alter ego artistique. Elle était créatrice de haute couture à Vienne.

– J’ai regretté la structure de ce roman qui se concentre sur les émotions d’ Adèle Bloch-Bauer. Une biographie historique avec le croisement des parcours de Gustav Klimt, Emilie Flöge et Ferdinand Bloch-Bauer aurait été un livre vraiment passionnant pour tous les passionnés d’histoire de l’art comme moi. Cependant, ce roman m’a permis de découvrir Emilie Flöge, créatrice de mode à Vienne et muse de Klimt dont voici son portrait peint.

Chanel s’est d’ailleurs inspiré d’une de ses robes pour habiller la princesse Caroline de Monaco lors du bal de la Rose 2017 :

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La princesse Caroline de Monaco au bal de la Rose 2017, habillée par Chanel. Getty images

Si comme moi, la Sécession viennoise vous passionne, je vous recommande le biopic de la vie d’ Egon Schiele, sorti au cinéma le 16 août dernier.

Similairement au roman Le secret d’Adèle, le thème de ce film est la relation entre le peintre Egon Schiele avec ses modèles. Klimt, Egon Schiele, deux génies qui peignaient les femmes avec une même attitude, celle de l’artiste : la recherche de l’art prime sur les sentiments humains.

Pour en savoir plus :

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Film La femme au tableau avec Helen Mirren et Ryan Reynolds, 2015.

Klimt, l’or de la séduction, Eva di Stephano, Gründ.

Les Juifs viennois de la Belle époque (1867-1914) de Jacques Le Rider, Albin Michel http://www.lemonde.fr/livres/article/2013/01/03/juifs-de-la-vienne-fin-de-siecle_1812451_3260.html

A la toute fin du  secret d’Adèle, j’ai repéré une page que j’ai rarement vue dans un livre. L’éditeur des Arènes cite toute l’équipe qui a participé à l’élaboration mais aussi la commercialisation de ce livre : des graphistes aux attachés de presse, des diffuseurs aux comptables, mettant en avant un travail d’équipe évident mais qui valait la peine d’être souligné . Chapeau pour cette marque de reconnaissance professionnelle !.

 

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« Ah qu’est ce qu’on est serré, au fond de cette boite, chantent les sardines ». C’est en haut à droite !

 

D’autres articles consacrés à l’histoire de l’art :

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